Enseigner l'astronomie

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Ce dont je vous fait part ici n'est qu'un début de réflexion sur l'enseignement de l'astronomie à l'école élémentaire. N'espérez donc pas y trouver des préparations toutes faites. Cependant, étant à la fois astronome amateur et professeur des écoles, j'ai forcément quelques idées sur la question qui peuvent s'avérer utiles. Voici donc, classées par thèmes, quelques pistes de réflexion. 

 

Sur le système solaire

Quelques notions :  Le système solaire n'a pas toujours existé et les mécanismes de sa formation n'ont pas toujours été connus. Il ne compte pas seulement le soleil et ses neuf planètes mais également 2 ceintures d'astéroïdes, l'une entre les orbites de Mars et Jupiter, l'autre au-delà de Neptune. Les astéroïdes sont plus petits que les planètes. Quand le système solaire était encore en formation, il n'y avait que des petits objets, comme nos astéroïdes. Partout où ils se sont rapprochés suffisamment lentement les uns des autres, ils se sont regroupés et ont formé ce que nous appelons aujourd'hui des planètes. Entre Mars et Jupiter, ils se sont entre-choqués trop violemment pour se regrouper ( à cause de la forte attraction de Jupiter ), c'est pourquoi encore aujourd'hui il y a à cet endroit une multitude de petits corps au lieu d'une planète. Au-delà de Pluton, c'est parce qu'ils étaient trop loin du Soleil pour que la fabrication de planète n'a pas fonctionné. On notera que Pluton, qui est en bordure de la ceinture de Kuiper est la moins réussie des planètes. Elle est si petite que si on la découvrait aujourd'hui on la considérerait comme un astéroïde. Pour ceux qui veulent en savoir beaucoup plus sur l'origine du système solaire, l'ouvrage de vulgarisation de référence est "Enfants du Soleil" d'André Brahic, publié aux éditions Odile Jacob.

Quelles représentations enseigner ?  Il me semble important de présenter le système solaire non pas comme quelque chose d'éternel et figé ( même s'il apparaît comme tel à notre échelle ) mais comme quelque chose qui évolue à une échelle de temps qui n'est pas la nôtre. On n'oubliera donc pas de faire figurer sur les représentations du système solaire les 2 ceintures d'astéroïdes, témoins de son Histoire. Les raisons pour lesquels on a une ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter sont à la portée d'un enfant, surtout s'il a déjà joué aux billes. Personnellement, j'avais demandé aux élèves d'émettre des hypothèses sur ces raisons et ils m'avaient dit immédiatement que c'était une planète qui était à cet endroit et qui s'était cassée. C'est intéressant car c'est la première hypothèse que les astronomes ont émis quand ils ont découvert cette ceinture d'astéroïdes, et elle a tenu longtemps ! Comme quoi il ne fallait peut-être pas mettre l'épistémologie génétique aux oubliettes.

 

Planétologie comparée

Quelques notions :  Le système solaire comporte 9 planètes et on serait bien incapable d'en trouver deux qui se ressemblent. Vous trouverez sur ce site une brève présentation de chacune. Voici quelques notions de base que l'on peut en extraire. On peut d'abord classer les planètes en deux catégories : On a d'une part les planètes telluriques (Mercure,Vénus,Terre,Mars), située "près" du Soleil qui sont des corps rocheux possédant une surface solide sur laquelle on peut se poser; d'autre part les géantes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) qui n'ont pas de surface solide. Pluton résiste bien sûr à toute tentative de classification. Parmi les corps rocheux, on constate que la Terre (12756 km) et Vénus (12102 km) sont entourées d'un atmosphère épais, que Mars (6786 km) a un atmosphère très ténu, et que tous les autres corps (planète, satellite, astéroïde) qui sont plus petits n'ont pas d'atmosphère (donc pas de liquide à leur surface non plus). A la surface de la Terre et de Vénus, on a donc un phénomène d'érosion important qui n'existe pas sur les autres corps. 

Que faire avec les élèves ?  A l'école, on se limite souvent à quelques rudiments d'astronomie car dés que l'on sort du jour et de la nuit et de ces séances que l'on connaît tous, il devient difficile d'enseigner l'astronomie dans une démarche conforme aux instructions officielles. Une piste peu explorée et pourtant fort riche serait d'installer chez les élèves des compétences en lecture d'image astronomique, ce qui permettrait de les mettre en situation de recherche, voire de débat et d'argumentation. On peut entrer dans cette démarche en proposant aux élèves des photos de Mercure (prendre une photo prise par la sonde Mariner 10), Vénus (prendre une image radar sinon on ne voit que les nuages), la Terre (photo satellite prise de loin), la Lune (vous pouvez vous servir sur ce site) et Mars (prendre une photo prise par une sonde spatiale pour que l'on puisse voir les quelques cratères). Parmi les mises en oeuvre possibles, on peut mettre les élèves en groupes et leur donner toutes les photos à la fois à découvrir. Une consigne possible serait : "Classez ces photos comme vous voulez. Il faudra pouvoir expliquer aux autres comment vous avez fait pour choisir les photos à mettre ensemble.". On peut s'attendre à ce qu'un groupe retienne comme critère la présence ou l'absence de cratères car c'est en général ce qui attire en premier leur attention. Si on a des élèves habitués à une démarche de recherche, on pourra leur donner des photos légendées et une petite "base documentaire" pour leur laisser eux-mêmes établir des corrélations. Dans le cas contraire, on travaillera plutôt sur le mode du cours dialogué. On veillera à écarter l'hypothèse selon laquelle seuls les astres qui en portent encore les traces ont été frappés par des météorites. La représentation finale à installer est que de nombreux cratères se sont formés partout mais que sur certains astres l'érosion les a effacés alors que sur d'autres il n'y a rien qui puisse provoquer une quelconque érosion. On pourra classer Mars comme un cas intermédiaire. Dans le cas des objets choisis ici, l'érosion est le facteur clé pour expliquer les différences observées. Je n'ai pas proposé ici de photos de satellites de Jupiter car il aurait fallu faire intervenir une seconde variable : l'âge des sols. C'est ce facteur qui permet d'expliquer pourquoi sur la Lune certaines région sont beaucoup moins cratérisées que d'autres.

 

La question des distances

Quelques notions :  En astronomie, il existe 4 unités pour exprimer les distances :

- Les kilomètres :  C'est une unité connue, qui fait sens dans la vie de tous les jours en tant qu'unité. Cependant son utilisation en astronomie, même en sein du système solaire conduit à des nombres gigantesques que l'on peut difficilement se représenter.

- L'unité astronomique :  C'est une unité de longueur égale à la distance moyenne Terre-Soleil, soit 149.600.000 km. Cette unité permet de comparer facilement entre elles les distances interplanétaires car elles sont ainsi exprimées dans des nombres que l'on se représente facilement. Mercure est ainsi à 0,3871 UA du Soleil, Pluton à 39,5 (en moyenne ! ). 

- L'année lumière :  C'est unité de longueur égale à la distance parcourue par la lumière dans le vide pendant une durée d'un an. La lumière se déplaçant à la vitesse vertigineuse de 300.000 km/s, cela met l'année lumière à environ 9500 milliards de km, ou 63.240 UA. On utilise cette unité pour exprimer les distances entre les étoiles. L'étoile la plus proche du Soleil, Proxima-Centauri, est à 4,26 années-lumière.

- Le parsec :  C'est la distance à laquelle une étoile aurait une parallaxe annuelle d'une seconde (d'arc), soit 3,2616 années-lumière. Cette unité n'est utilisée que par les professionnels. En ce qui nous concerne ici, elle n'a rien d'intéressant.

De mon point de vue, la conceptualisation des distances astronomiques se fonde sur trois changements d'échelle :

- Le premier changement d'échelle est le passage des distances que je qualifierais de planétaires (centaines ou milliers de km), dont on peut  essayer de se rendre compte en voyageant, aux distances qui séparent les planètes du système solaire entre-elles (jusqu'à plusieurs milliards de km).

- Le second changement d'échelle est le passage des distances du système solaire aux distances qui séparent les étoiles entre-elles. Pluton est à un peu plus de 5 heures- lumière du Soleil, Proxima-Centauri à 4,26 années-lumière. Notre galaxie, qui compte 200 milliards d'étoiles, a un diamètre de 100.000 années-lumière.

- Le troisième changement d'échelle est le passage des distances de la Galaxie (jusqu'à 100.000 années-lumière), aux distances de l'Univers (jusqu'à 13.700.000.000 années-lumière).

On voit ainsi que l'on peut classer les distances astronomiques en 4 catégories : les distances du voyageur (moins de 150.000 km, ou 1/2 seconde-lumière), les distances du système solaire (de 1/2 seconde-lumière à 12 heures-lumière (ou 1 jour peu importe)), les distances de la Galaxie (de quelques années-lumière à 100.000 années-lumière) et enfin les distances de l'Univers (de 100.000 années-lumière à 13.700.000.000 années-lumière (et pas l'infini !))

Comment aider les élèves à appréhender les distances ?  On l'a vu plus haut, l'astronomie au sein du système solaire, n'est pas nécessairement le domaine des grands nombres. Il faut savoir choisir les unités en fonction de ses objectifs transversaux. Si l'objectif spécifique est de comparer entre-elles les distances entre les planètes, on a intérêt à utiliser l'unité astronomique, mais il faut que les élèves aient déjà abordé les nombres décimaux (ce sera alors un rappel ou une consolidation).

La piste à explorer est de faire prendre conscience aux élèves que l'on peut exprimer une distance par la durée qu'il faut pour la parcourir à une vitesse donnée. On pourra par exemple exprimer dans un tableau la distance à laquelle se trouvent plusieurs villes, en km et en temps à 50 km/h ou 100 km/h. Il faut que les valeurs de durée et de vitesse soient concevables par les élèves, on les accompagnera donc d'exemples concrets comme "la vitesse où l'on roule en ville, sur l'autoroute...", "la durée d'une matinée de classe". Ensuite, de même que l'on a supposé pouvoir parcourir les distances à vol d'oiseau et à vitesse constante, supposons que l'on veuille se rendre sur la Lune à la vitesse choisie précédemment (disons 100 km/h). Un calcul simple nous indique qu'il faudrait un peu plus de 5 mois sans s'arrêter à 100 km/h pour couvrir la distance moyenne Terre-Lune. Selon le niveau de ses élèves, on pourra leur donner la valeur ou leur faire calculer. On est donc encore dans des échelles de vitesse et de temps conceptualisables. Mais si on passe maintenant à la distance Terre-Soleil, il ne faudrait pas moins de 170 ans à 100 km/h... Cette méthode permet à la fois d'appréhender, tant que faire se peut, la distance Terre-Lune, et de constater que cette distance est une distance courte au sein du système solaire. Elle donne donc lieu au premier changement d'échelle dont j'ai parlé ci-dessus. Mais dès que l'on veut sortir du système solaire, les grandeurs redeviennent plus que vertigineuses: proxima-centauri pointe à plus de 46 millions d'années (à 100 km/h). Pour éviter d'avoir des durées trop importantes on va alors utiliser la vitesse de la lumière. Pour situer la vitesse de la lumière (300.000 km/s) on peut dire qu'elle va sur la Lune en un peu plus d'une seconde là où nous mettions plus de 5 mois à 100 km/h. A cette vitesse, le Soleil est à 8 minutes, Pluton à 5 heures, et l'étoile la plus proche à un peu plus de 4 ans. Et là c'est intéressant parce que l'élève peut comparer facilement entre-elles les distances du système solaire et les premières distances interstellaires au travers de durées qui font sens dans les deux cas. C'est le deuxième changement d'échelle. On ne pourra pas aborder le troisième d'une façon similaire.

Pour que les choses soient bien claires, si on travaille avec des photos, on pourra faire un tableau à 4 colonnes (avec les 4 catégories de distances mentionnées plus haut) et y coller les photos. Il faudra bien se mettre d'accord pour savoir si on parle de la taille de ce que l'on voit où de la distance à laquelle ça se trouve. On peut aussi avoir les photos en double et faire deux tableaux. 

 

L'Histoire de la matière

Quelques notions :  L'univers a 13,7 milliards d'années. La Terre et le système solaire n'ont que 4,5 milliards d'années. L'univers avait donc déjà un certain âge quand le système solaire s'est formé. A l'origine, il n'y avait dans l'Univers que de l'hydrogène et un peu d'hélium. Il n'était donc pas possible de voir apparaître une quelconque forme de vie. Mais ces gaz ont formé des étoiles. Durant leur vie, les étoiles fusionnent les petits éléments en éléments plus lourds. Le noyau de fer est le plus lourd qu'une étoile peut former pendant sa vie. Les petites étoiles comme le Soleil peuvent, lorsqu'elles sont en fin de vie, expulser dans l'espace une partie de leur gaz. Elles forment ainsi des nébuleuses planétaires qui se dissipent petit à petit. Les étoiles les plus massives finissent en supernova, gigantesque explosion durant laquelle les atomes sont si malmenés que l'on voit apparaître des éléments lourds que l'étoile n'aurait pas pu fabriquer de son vivant. C'est le seul processus qui permet la formation d'atome plus lourd que le fer. Tout l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, l'uranium, le platine......et bien d'autres..... de l'univers s'est formé uniquement dans des supernova. Cette matière rejetée dans l'espace, sous forme de nébuleuse planétaire ou par des supernovae, n'était alors plus seulement de l'hydrogène et de l'hélium. En rejoignant d'autres nébuleuses, elle a pu participer à la formation de planètes rocheuses comme la Terre et à l'apparition de la vie. Aujourd'hui encore, l'agonie des étoiles enrichit l'univers en éléments lourds qui dans peut-être plusieurs milliards d'années participeront à la formation d'un système planétaire où la vie aura une petite chance d'apparaître. Les nébuleuses planétaires et les restes de supernova font parti des beaux objets à voir en astronomie. Pour ceux qui veulent tout savoir, le livre de vulgarisation de référence est "Enfants du Soleil" d'André Brahic, aux éditions Odile Jacob.

Et alors ?  L'intérêt d'avoir quelques bases dans ce domaine est essentiellement de pouvoir faire parler des photos à priori dénuées de sens mais qui nous racontent l'origine de nos origines.

 

N'hésitez pas à me faire part de vos expériences et de vos suggestions.

 

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