Cette page s'adresse à tous les adultes qui souhaitent se former sur la façon dont les enfants apprennent les mathématiques, et sur les moyens d'aider les élèves de primaire qui rencontrent des difficultés plus ou moins lourdes dans cet apprentissage. Certains passages peuvent toutefois, par leur technicité, s'adresser plus particulièrement à ceux qui sont déjà des professionnels de la pédagogie.
Je reprendrai ici le plus fidèlement possible tout ce que j'ai mis en place avec Clara (le prénom a été changé) sur le plan pratique,
en le complétant avec les apports théoriques sous-jacents. En accord avec ce que j'ai toujours fait sur mon site www.astro52.com, tous les
outils mentionnés sont des outils dont je suis l'auteur (sauf mention contraire) et qui sont gratuitement téléchargeables et utilisables.
On rencontre les liens de téléchargement de ces ressources au fur et à mesure du récit. Certains outils ont pu être légèrement améliorés avant
leur mise en ligne, sans que leur compréhension générale ne s'en trouve dénaturée.
En raison d'une défaillance de mon disque dur, 2 fiches de problèmes ont été perdues, c'est pourquoi elles n'ont pas de lien
de téléchargement. Sauf cette mention contraire, les ressources écrites en gras sont téléchargeables à partir d'un lien situé plus haut dans le texte.
Clara a 9 ans, elle redouble son CE2 uniquement à cause des mathématiques. On m'a annoncé des difficultés « lourdes » en mathématiques, mais sans plus de précisions. Nous ne sommes pas encore à la moitié de l'année scolaire, mais nous en approchons à grands pas (mi-janvier).
Constatant l'absence de progrès malgré le redoublement, notamment en numération, l'enseignant qui l'avait gardée dans sa classe a demandé aux parents de prendre rendez-vous au près d'une orthophoniste spécialisée logico-maths. Mais faute de place, aucun rendez-vous n'a pu être pris. Mon intervention la remplace donc d'une certaine façon, bien que j'intervienne au domicile de l'élève pour le compte d'une agence de soutien scolaire très connue.
Je fais la connaissance de Clara et de sa maman. Elle me dit qu'elle a toujours eu des difficultés très importantes en maths, et que parfois elle ne peut même pas répondre à une question comme 2+2=. Bien sûr, cela peut renvoyer aussi à un blocage psychologique, mais le problème ne doit pas se limiter à ça. Je décide donc de prendre le temps de parler avec Clara et d'utiliser un chemin plus progressif pour en arriver à ce que j'avais préparé pour cette première séance.
Nous commençons sur les exercices du logiciel
Je compte, ça compte qui sont impliqués dans la construction du concept d'une des quatre opérations. Il est
très difficile pour Clara de dire quelle opération on apprend dans ces petites situations, même en comparant les données et le résultat, qu'elle trouve
souvent malgré tout car il s'agit de petites quantités. Même savoir si l'opération qu'on écrit avec le signe "-" s'appelle addition ou soustraction pose
problème.
Le bilan de départ s'impose de lui-même assez vite :
- Quasiment aucune acquisition relevant du programme de l'école élémentaire.
- Un diagnostic de dyscalculie serait très probablement posé si des tests étaient effectués. Il n'y a pas de définition unique de la dyscalculie, ni
protocole de diagnostic commun, donc celui-ci peut varier d'un spécialiste à l'autre. Toutefois ici, il y a clairement plus de 2 écarts type d'écart avec
la moyenne des enfants du même âge dans tout ce qui touche aux mathématiques, et ce d'autant plus que Clara est une petite fille intelligente, bonne en
français, qui s'exprime facilement et avec finesse. On peut donc penser que la plupart des approches de diagnostic concluraient à une dyscalculie, ne serait-ce
que pour l'importance du décalage entre les mathématiques et tout le reste.
- Mais ce qui est accessible aux élèves de grande section de maternelle est bien maîtrisé.
- Mais les aptitudes naturelles au calcul approché (celles qui sont innées chez l'humain) ne semblent pas affectées, si dyscalculie il devait y avoir.
Le premier travail est donc sur le logiciel Je compte, ça compte d'observer un jeu de calcul, puis de dire si un autre jeu sert à apprendre la même opération ou une autre. On nomme ensuite ces 4 opérations, en relation au(x) jeu(x) concerné(s).
Ensuite, on fait ensemble la fiche des problèmes qui deviendront ensuite notre corpus de problèmes de référence, en essayant d'associer chaque histoire
à un des jeux de Je compte, ça compte, comme on l'avait fait sur ces jeux entre eux. Avec aide, nous y parvenons.
La fiche d'introduction
Je remarque au passage deux choses intéressantes autour de l'histoire des bonbons de Sarah :
- Clara a spontanément trouvé 2 bonbons, en complétant de 19 à 21 (les nombres ont été choisis pour cela), alors que ce n'est pas le sens de la soustraction que
l'on retrouve dans l'histoire, alors qu'elle n'a pas construit le lien entre les aspects cardinaux et ordinaux du nombre (je le découvrirai plus tard), et alors
qu'elle n'a pas construit le concept de soustraction et qu'elle n'est pas capable d'associer l'écriture "21-19" au problème. J'explique difficilement cette
observation, fort différente de ce qu'on pouvait théoriquement attendre. Pour ma part, je considère que l'étape de l'écriture du résultat de la soustraction,
c'est à dire "21-19", est l'étape qui marque la séparation fondamentale entre opération et calcul (encore une chose fondamentale pas construite chez Clara), et qu'à
partir de là on peut utiliser la technique de calcul que l'on veut, puisqu'il ne s'agit plus que de transformer l'écriture du résultat. Sans tout remettre en
question, il semblerait quand même que des liens intuitifs puissent exister entre les différents sens de la soustraction, avant que ceux-ci ne soient
formellement étiquetés sous l'étiquette unique de "soustraction", et ce même si des difficultés lourdes en mathématiques existent.
- Il semble assez probable, compte-tenu des observations faites sur ce problème et sur Je compte, ça compte, que l'écriture mathématique a été perçue à
l'origine par Clara comme une contrainte inutile, demandée par l'adulte, et qu'il fallait écrire après avoir trouvé le résultat final autrement, juste pour
faire plaisir à l'adulte. Clara me confirmera plus tard que ça s'est vraiment passé comme ça au départ, et donc indirectement qu'elle avait rejeté cette étape
objectivement superflue. On voit ici l'importance de construire la séparation entre opération et calcul par des moyens qui la rendent nécessaire (par exemple
utiliser des problèmes avec de grands nombres dès le départ, et faire le calcul avec aide ou avec une calculatrice), et non en essayant d'imposer d'autorité une
étape inutile et même absurde, puisque postérieure à l'obtention de la réponse finale à la question posée.
Ensuite, on sort les fiches de référence pour faire le bilan.
Les fiches de référence (version 1)
Ce qu'il est important de renforcer dans ce bilan :
- On a deux feuilles, la famille addition/soustraction et la famille multiplication/division. On choisira toujours une opération en deux étapes : d'abord la bonne
feuille, puis l'opération dans la feuille choisie en cherchant à faire le lien entre le problème à traiter et un des problèmes de référence de la fiche.
- Pour les 4 opérations, il y a donc 3 choix à savoir faire, le plus difficile de ces 3 choix étant le choix entre addition et soustraction quand on est dans cette
famille.
- La famille multiplication/division ne peut parler que de paquets (plusieurs) qui sont tous pareils.
- En s'appuyant sur les questions, il ne sera pas très difficile de choisir entre multiplication et division.
- Le premier problème d'addition est intéressant car il pose la question du mot qu'on met derrière le résultat. On peut additionner des choux et des carottes
car on dispose du mot "légumes", mais on ne peut pas additionner des tables et des fraises car on n'a pas de mot pour parler des tables et des fraises ensemble.
- Le deuxième problème d'addition est intéressant parce qu'il correspond à ce que j'ai appelé un "cas indirect" dans mon
précédent texte
sur la résolution de problèmes, c'est à dire un cas dans lequel l'opération qu'il faut faire ne correspond pas à ce qui arrive aux nombres dans l'histoire. Dans
le sens de celle-ci, les nombres mentionnés se séparent, alors qu'on est amené au contraire à les "rassembler dans sa tête" (additionner) pour répondre à la
question posée. Le même phénomène existe avec les autres opérations, mais c'est avec l'addition qu'il est le plus facile de l'illustrer.
- Le premier problème de soustraction est intéressant pour introduire la notion d'écriture comme marque de la séparation entre opération et calcul. Quand bien
même la soustraction de l'histoire a le sens d'enlever, une fois qu'on a écrit son résultat 21-19, on peut calculer la réponse y compris en cherchant combien il
faut pour compléter. Les nombres ont été choisis pour favoriser cette stratégie de calcul.
- Le deuxième problème de soustraction a lui aussi des nombres choisis pour encourager une stratégie de calcul à "contre-sens". Toutes les occasions sont
bonnes pour faire se manifester un intérêt réel à la séparation entre opération et calcul.
- Le troisième problème de soustraction est intéressant pour rappeler une fois de plus que les mots "plus" et "moins" en français ont un sens complètement
différent des signes homophones qu'on appelle "+" et "-" en maths. L'expression "de plus que" ne renvoie pas à l'addition mais seulement à
la famille addition/soustraction.
Clara commence à identifier des éléments concrets d'explication de ses difficultés et des malentendus pédagogiques qui les ont produites ou amplifiées. Elle
reprend espoir de comprendre enfin quelque chose en maths.
De mon côté, j'essaye de questionner tous les malentendus pédagogiques possibles, voyant que j'avais à une championne des malentendus pédagogiques. Mais la cause
pourrait-elle être purement pédagogique ? Ce sont toujours les mêmes malentendus, les mêmes difficultés, les mêmes solutions... J'ai l'habitude, et pourtant je n'ai
jamais vu un cas comme celui-ci. A l'issue de cette première séance, je sais que pour une fois ça va prendre du temps. Comme quoi il m'arrive aussi de me tromper...
Avant de partir, j'installe tous les logiciels dont j'aurai besoin pour la suite de mes interventions sur l'ordinateur familial. Clara pourra ainsi accéder
librement entre les séances aux logiciels sur lesquels elle aura travaillé avec moi.
Une semaine est passée, me laissant le temps de préparer une liste de points à questionner avant d'aller plus loin :
- Clara a-t-elle une maladresse anormale au niveau de l'agilité des doigts ? Non selon ses parents. La motricité des doigts est gérée par une zone du cerveau
presque commune avec celle qui permet de penser les nombres, et en connexion directe avec elle. On ne compte pas sur les doigts sans raison neurologique à cela.
De nombreux dyscalculiques ont en même temps des problèmes d'habileté motrice des doigts. L'absence de problèmes à ce niveau est un indice qui fait penser que
ces difficultés en maths ne sont pas causées par problème de développement de la zone cérébrale impliquée dans la représentation mentale du nombre.
- Je lui raconte comment les élèves de GS pensent qu'après avoir compté des objets en ligne dans un sens, on obtiendrait un résultat différent en comptant ces
mêmes objets dans l'autre sens. Clara estime que ça fait plusieurs années déjà (genre depuis le CP) que c'est évident pour elle qu'on trouverait pareil. Le
problème ne vient pas de cet aspect du concept de nombre.
- Dans le même esprit, est-ce que enlever 1 ou chercher le nombre qui est avant, c'est la même chose ? Cette fois en revanche, je découvre que le lien entre
les dimensions cardinales et ordinales du nombre n'est pas construit. J'en prends note pour y revenir plus tard. La compréhension de ce lien est un bon
indicateur de ce qui va se passer ensuite en maths. Deux ou trois années en arrière, cet indicateur aurait pu servir de signal d'alerte.
- Je valorise une nouvelle fois le réflexe que Clara a eu sur le premier problème de soustraction (calcul de 21-19 sans pouvoir l'associer à cette écriture). A
cette occasion, Clara me confirme qu'au départ elle a bien rejeté ce genre d'écriture car elle avait le résultat sans passer par cette écriture, qui n'était
qu'imposée pour faire plaisir à l'adulte, et donc inutile. Je lui précise que pour ma part, je n'imposerai rien, mais que je mettrai des nombres assez
grands pour qu'elle ne puisse pas trouver la réponse sans savoir comment.
- Enfin, et c'est en lien avec ce qui arrive juste après, est-ce que l'explication donnée par l'adulte (par rapport au choix d'une opération), avec en
conclusion la bonne opération, conduit implicitement Clara à penser qu'elle doit faire dans sa tête exactement le même type d'explication que l'adulte pour arriver au même
résultat ? Il s'est avéré non seulement que oui, mais surtout que cette fausse représentation relevant de ce qu'on appelle le "contrat didactique" était
probablement la cause de blocage la plus importante.
Donc par rapport à ce dernier point, même si je l'aurais fait quand même, il était important d'expliquer comment il est possible d'apprendre à choisir
la bonne opération.
Une opération est une abstraction, et pour expliquer ce qu'est une abstraction, l'exemple le plus simple est celui du tri des formes
en moyenne section de maternelle. A partir d'une caisse de formes de différentes tailles et couleurs, on range les carrés avec les carrés, les ronds avec
les ronds... On les range dans la même famille alors même qu'ils peuvent différer en taille, en couleur, en épaisseur, en matière... Le mot "abstrait" n'est rien
d'autre que le participe passé du verbe "abstraire" qui veut dire "enlever". Mais enlever quoi ? Et bien enlever la taille, la couleur, l'épaisseur, le
matériau, toutes ces données réelles qu'on n'a pas choisi de faire rentrer dans le concept nommé carré ou de rond. Jusqu'à avoir dans la même boite des objets
différents en tout, sauf en ce qui fait d'eux tous des carrés.
De la même façon, les quatre opérations sont des abstractions ; c'est-à-dire que chaque opération est le titre d'une boite dans laquelle on mettra ensemble des
histoires qui diffèrent à peu près en tout (les personnages, les nombres, les unités de ces nombres, les verbes, les contextes...), mais qui sont équivalentes
par ce qu'on peut faire aux nombres de cette histoire dans notre tête.
Pour choisir l'opération qui permet de résoudre un problème, on va donc essayer de trouver quel problème de référence peut être mis en lien avec le problème
qu'on cherche (dès lors on a l'opération puisqu'une opération est déjà rattachée au problème de référence). Ce lien est une intuition, il est normal de ne pas
pouvoir l'expliquer "comme un adulte" dans un premier temps : comme pour les schémas, seul celui qui maîtrise suffisamment pour s'en passer peut produire ou
comprendre cette formalisation.
Nous entamons donc la
fiche 1 des problèmes (perdue avec le disque dur)
ensemble. J'ai assez peu à intervenir, Clara suit bien la démarche de choisir une feuille d'abord et une opération ensuite. Elle a très souvent bon, ce qui
est déjà une bonne surprise. Je lui conseille une fois de ne pas accorder trop d'importance au verbe, car elle s'interdisait de faire un lien pertinent
à cause du verbe "acheter" qui ne renvoie pas intrinsèquement à une opération particulière.
A la fin, nous avons pu constater qu'il n'y avait eu aucune erreur ou difficulté pour choisir la bonne feuille, ni pour choisir entre multiplication et division (alors que
Clara n'a jamais entendu parler de division à l'école) ; en revanche il y avait parfois de petites difficultés à choisir entre addition et soustraction (normal,
c'est le plus difficile des 3 choix).
En réponse à cette difficulté, je propose à Clara de se poser la question de savoir si le petit nombre est une partie du grand, ou s'il n'en fait pas partie. Si
le petit nombre ne fait pas partie du grand, on peut se poser la question de les rassembler dans notre tête (additionner) si ça a un sens, mais on ne pourra pas
faire de soustraction (sauf pour faire une comparaison). Si le petit nombre fait partie du grand, on peut se poser la question de l'en retirer dans notre tête
(soustraction) si ça a un sens, mais on ne pourra jamais faire d'addition sinon on compterait deux fois la même chose et donc ça ne voudrait plus rien dire.
J'illustre mes propos par deux petits dessins "en patates", en rappelant que ces schémas ne sont pas une recette pour trouver la réponse mais servent juste
à lui expliquer les questions à se poser avec des mots pour choisir entre addition et soustraction.
Je donne à faire pour la prochaine fois la fiche 2 des problèmes (perdue avec le disque dur), à faire seule pour le choix des opérations (aide possible pour les calculs mais pas pour les choix).
Rappelons ici l'importance de l'apprentissage simultané des 4 opérations, et en particulier - ou au minimum - d'apprendre ensemble les deux opérations d'une même famille. Dans les problèmes, les enfants repèrent des indices relevant du choix d'une famille d'opérations, et des indices relevant du choix d'une opération particulière (dans la famille impliquée). Si l'enseignement se limite à une opération, l'enfant va associer à cette (seule) opération les indices qui permettent de la choisir, mais mettra dans le même sac les indices qui renvoient à l'ensemble de sa famille. Par exemple, en enseignant la multiplication sans la division, on obtiendrait ainsi une construction intuitive qui ferait porter la même conclusion (la multiplication) sur des indices qui renvoient effectivement à la multiplication, mais aussi sur des indices qui renvoient à l'ensemble de la famille multiplication/division (et qui n'ont donc pas vocation à faire choisir à eux seuls la multiplication). Comme il s'agit d'abord d'une construction intuitive, où le langage ne tient donc qu'une place assez lointaine, il sera difficile à posteriori d'aller séparer par une explication d'adulte des indices qui n'auraient jamais dû être mis dans le même panier. Le problème serait toutefois plus résistant dans la famille addition/soustraction que dans la famille multiplication/division.
L'autre point à aborder est la numération, sur laquelle bien d'autres avant moi se sont cassé les dents. Il ne suffit donc pas de dessiner des boites, ce qui a dû être
tenté à maintes reprises par d'autres. Je demande à Clara comment on lui a expliqué quand elle n'a pas compris, j'obtiens peu de réponses mais elle me confirme "les schémas"
à nouveau.
Je fais donc un choix différent, celui de travailler sur l'épistémologie du code. Nous démarrons sur le logiciel
Banque de problèmes sur des numérations différentes
avec la numération égyptienne. Dès la première situation, les explications de Clara me donnent la clé du problème : "les dizaines c'est le chiffre de gauche". Ce qui n'est
vrai que dans un nombre à deux chiffres, bien sûr.
Nous enchainons par le logiciel
Le convertisseur tchouvache. L'explicitation se précise.
Et pour terminer pour reprenons le logiciel précédent, sur la numération chinoise, et nous finissons en parlant aussi de l'évalution moderne de cette numération
qui n'est pas dans le logiciel (usage d'un chiffre zéro pour ne plus avoir à écrire les idéogrammes associés aux mots dix, cent, mille...).
Le malentendu pédagogique en numération était bien celui entendu dès le départ. Il peut sembler dérisoire. C'est l'occasion de rappeler que même pour ces élèves en grande difficulté, c'est en nivelant par le haut et non par le bas qu'on échappe à l'incompréhension. Quand un élève ne comprend pas centaines, dizaines, unités, le réflexe ne devrait pas être "j'enlève les centaines" mais "j'ajoute des milliers". Sinon, avec deux chiffres, il reste vrai que "les dizaines c'est le chiffre de gauche".
Nous corrigeons la fiche 2 que Clara a fait seule (pour les choix du moins), et elle a tout bon. Et j'allais apprendre un peu plus tard dans la séance que Clara s'est également distinguée en résolution de problèmes à l'école. Une telle immédiateté dans les résultats n'était pas du tout attendue, mais l'aisance de Clara en langage l'aide énormément.
Nous faisons ensemble la fiche 3 des problèmes et là Clara s'en sort bien en s'appuyant sur nos supports.
Je donne la fiche 4 des problèmes à faire seule pour la prochaine fois.
Nous travaillons ensemble sur le logiciel Pyramides additives. Le but est que Clara puisse l'utiliser en autonomie plus tard (ce qui s'évérera plus compliqué que prévu). Je lui précise qu'il y a un lien entre les sous-pyramides et les schémas qu'elle n'a pas compris concernant le choix entre addition et soustraction, mais qu'elle ne pourra faire le lien avec nos histoires que plus tard.
En attendant l'arrivée des copines, nous installons le jeu que j'ai créé pour construire le lien entre aspect ordinal et aspect cardinal du nombre (un des problèmes de fond
identifié la fois précédente).
La course aux bonbons
se compose de ce long plateau de jeu, et d'un dé fait maison avec sur ses faces "Tu perds 1 bonbon.", "Tu gagnes 1 bonbon", "Tu gagnes 2 bonbons", "Tu gagnes 3 bonbons", "Tu gagnes
4 bonbons", "Tu gagnes 5 bonbons" ; et bien sûr quelques jetons pour représenter les joueurs.
La position du joueur sur la file des nombres représente le nombre de bonbons qu'il a. Il répercute par un déplacement les histoires des cases sur lesquelles il tombe (plusieurs fois de suite au besoin).
Nous faisons une partie avec Clara et deux de ses copines. Elle semble assez satisfaite de ce que ça lui apporte en termes de compréhension, et c'est sans doute le cas, même si je
constaterai plus tard que le concept n'est pas assez construit après cette seule activité pour que Clara le transpose à d'autres situations.
L'embellie de la semaine passé a laissé la place au découragement. Clara n'a pas réussi le "défi maths" à l'école comme elle l'aurait souhaité, le succès du défi de la semaine précédente lui ayant un peu trop vite ouvert l'appétit. Du coup, elle n'a pas fait non plus la fiche de problèmes à faire seule.
Je lui remonte le moral, et nous faisons ensemble la fiche 4 des problèmes (lien de téléchargement dans la séance précédente).
Nous entamons ensuite ensemble la
fiche 5 des problèmes.
Les trois premiers problèmes nous amènent à la
Fiche de référence (version 2). Elle remplace la version précédente.
Je donne la fiche 6 des problèmes à faire seule pour la fois, en s'appuyant sur la nouvelle version des fiches de référence bien sûr.
J'écris sur un papier les doubles, en addition (ex : 7+7=14) d'une part, et en multiplication d'autre part (2x7=14). Je demande à Clara d'apprendre les doubles "par coeur", car nous allons avoir besoin de cette base ensuite.
Nous finissons sur le logiciel Pyramides additives.
Clara a passé une bonne semaine et réussi son bilan de maths à l'école en résolution de problèmes (moins en calcul). Nous faisons cette séance tous les deux malades, donc avec
une préparation réduite et sur une durée ne dépassant pas l'heure prévue (pour une fois).
Nous corrigeons la fiche 6 faite seule (pour les choix uniquement) sans erreur, sauf le dernier problème qui a été abandonné. Nous le faisons ensemble.
Nous faisons la
fiche 7 des problèmes
ensemble (préparée pour une autre élève mais pas utilisée car elle était malade aussi, mais adaptée à l'avancement de Clara). Ca continue de bien marcher, même si Clara se fait
un peu piéger par la présence du mot "paquet" dans une histoire relevant du champ additif.
Je donne la
fiche 8 des problèmes
à faire à la maison, en précisant que la prochaine fois nous commencerons les problèmes en deux étapes.
Je vérifie que Clara a appris les doubles. C'est mieux mais pas encore assez rapide. Je lui montre comment les doubles aident à retrouver une grande partie des tables
d'addition : quand il y a 1 d'écart, c'est le double du petit + 1. Exemple : 6+7=6+6+1=12+1=13. Quand il y a 2 d'écart, on déplace 1 de façon à obtenir un double connu.
Exemple : 8+6=7+7=14. Pour la table des 9, on enlève 1 à l'autre nombre et on ajoute une dizaine. Exemple : 9+6=10+5=15. Pour +1 et +2, on surcompte simplement.
Pour les autres, nous utilisons la méthode Stella Baruk.
La mémorisation des tables d'addition ne se fait pas par coeur comme pour les tables de multiplication, mais par les stratégies qui permettent de les retrouver. Toutefois
dans le cas de Clara, introduire une dose de par coeur aide à compenser les difficultés à se représenter les nombres et à mentaliser le grand nombre de petits sous-calculs
que demandent les méthodes du complément à dix ou la méthode de Stella Baruk.
Je demande à Clara d'essayer de s'entrainer, en raisonnant de cette façon si ça marche. Je n'impose rien, j'informe de voies d'apprentissage possibles. Après, c'est elle qui voit
si ça marche pour elle.
Nous finissons sur le logiciel Pyramides Additives car Clara n'est toujours pas autonome dessus. Mais ça reste compliqué, avec de plus des réponses farfelues en
calcul : 2+2=3 ; 13+11=1. Cela confirme que malgré tout ce qui a été compris, la question du calcul reste problématique. Je pense qu'il faut s'attaquer aux ordres de grandeur (qui
ne sont pas acquis quand une représentation concrète du nombre n'est pas présente).
Je pense aussi qu'il n'y a pas de représentation mentale du nombre, ou qu'elle est très faible. Je suis surpris de voir que Clara n'utilise presque pas ses doigts d'elle-même,
alors que ça fonctionne mieux quand elle le fait. Je lui conseille donc de ne pas hésiter à se servir des doigts, car c'est une étape avant de pouvoir calculer dans sa tête.
Je précise que compter sur ses doigts n'est pas "pour les bébés", mais le blocage ne semble pas venir d'une représentation de ce type.
De mon côté, de nouveaux outils sont sûrement à créer.
Nous corrigeons la fiche 8 des problèmes faite seule. Il n'y a qu'une erreur sur le premier problème.
J'interroge Clara sur les tables d'addition. Elle s'est entrainée de la façon proposée la fois dernière, et il y a du mieux. J'envisage d'en faire un logiciel d'entrainement, comme ça marche pour elle de cette façon.
Nous commençons à travailler sur les ordres de grandeur, avec les exercices 19 et 21 de Je compte, ça compte.
Ensuite nous travaillons sur
cette fiche (la version complète est 3 fois plus longue). D'abord Clara tente de faire un lien entre l'opération et un résultat possible (sans calcul), puis identifie
la ou les histoires qui peuvent correspondre à l'écriture. On voit ensuite si ces histoires conduisent à une modification de l'ordre de grandeur qu'elle propose comme
résultat. Nous faisons deux séries telles que proposées sur la fiche, et nous gardons la dernière pour la prochaine fois. Intuivement Clara pense que l'étape
intermédiaire l'aide à voir les choses autrement, mais il est difficile de mettre des mots là-dessus.
Nous faisons ensemble la fiche 9 des problèmes. C'est la première fois que nous travaillons sur des problèmes en deux étapes, mais ça se présente plutôt bien.
Je donne la fiche 10 des problèmes à faire pour la prochaine fois.
Trois semaines passent, pendant lesquelles je crée un nouveau logiciel pour les tables d'addition, sur le principe de ce qui a semblé concluant avec Clara. En voici la version
pour PC sous Windows :
Télécharger Tables d'addition
Je continue à travailler sur la version Flash pour les autres systèmes, avec laquelle j'ai quelques plantages qui obligent à rafraîchir la page.
Entre les vacances et les microbes de saison, il s'est finalement écoulé 4 semaines depuis la dernière séance.
Clara n'a pas fait la fiche 10 des problèmes, elle a oublié. Donc nous la faisons ensemble. Je n'avais pas prévu de problèmes pour cette fois, car je voulais me concentrer
sur le calcul où il y a désormais plus de travail. Mais cette longue interruption a laissé des traces, et c'est plutôt une bonne chose d'avoir retravaillé là-dessus. Il va
falloir encore travailler la résolution de problèmes pour revenir au niveau d'il y a un mois...
Nous finissons la dernière série des exercices sur les ordres de grandeur de la fois précédente. Il arrive toujours que Clara change sa réponse après avoir identifié les histoires correspondantes.
Enfin, découverte et entrainement sur le logiciel Tables d'addition. Clara y reconnaît bien l'approche qu'elle avait validée la fois précédente. Et ça l'intéresse toujours de rencontrer des situations qui l'amènent à opérer des changements.
Pas de problèmes à faire pour la prochaine fois cette fois-ci.
Nous faisons ensemble la fiche 11 des problèmes. Ca va un peu mieux, mais nous ne sommes pas revenus au niveau d'avant l'interruption. Je pense qu'à l'avenir je proposerai des problèmes en 2 étapes ensemble pour continuer à diversifier, et des problèmes en une étape basés sur les histoires de référence à faire en autonomie (car c'est plus ce qui a été perdu là-dessus qui fait défaut sur les problèmes en 2 étapes que le fait qu'ils aient 2 étapes). Au-delà des histoires de référence à reprendre, il y a un besoin réel de travailler sur la question de savoir ce dont on a besoin ou pas pour calculer ce qu'on cherche. D'où l'intérêt de faire ensemble en parallèles des problèmes en plusieurs étapes, et qui en conséquence contiennent aussi plus de 2 nombres dans l'énoncé.
Nous faisons ensuite la fiche
Expliciter sa procédure en écriture mathématique (description disponible dans cette rubrique),
que j'ai un peu hésité à proposer. D'habitude ça marche bien dès le CE2 malgré le côté formel, mais là ce n'est pas une élève de CE2 "standard". J'ai d'abord prévenu Clara
que si ça coince, ce n'est pas grave, on y reviendra plus tard ; et que dans tous les cas le résultat, même s'il était négatif, serait une information utile pour continuer.
Finalement, ça a juste pris un peu plus de temps en milieu de séance. Clara a mis un peu plus de temps pour comprendre les 2 stratégies (par addition en coupant quelque part, et par soustraction en partant d'un
rectangle complété), et donc pour mettre en conséquence le bon signe (+ ou -) entre les deux multiplications. Mais ça a fini par se faire, et Clara a pu faire complètement seule les
deux dernières grosses figures, à la fois en stratégie additive et soustractive. Donc après effort, le bilan est très positif.
Je propose ensuite une écriture du même type, et je demande à Clara de faire un dessin qui correspondrait. Elle n'y arrive pas, mais c'est bizarrement plus un problème pour dessiner des cases qui
se pose qu'un problème de compréhension. Donc je reprends le crayon et je lui propose de me "dicter" le dessin. Comme ça, ça marche.
Enfin, je précise qu'on pourrait faire un lien entre certains problèmes et des figures de ce type, même si ça ne deviendra pas un moyen de résoudre le problème. Nous faisons ensemble
un schéma correspondant au 3ème problème de la fiche 11, en reliant le plus possible les cases au sens du problème.
Clara s'entraine sur le logiciel Tables d'addition pendant que je termine de préparer la
fiche 12 des problèmes
qu'elle aura à faire pour la prochaine fois, et qui est
fortement orientée sur un retour aux histoires de référence. Côté additions, Clara ne fait qu'une erreur d'étourderie sur 30 clics. De plus elle répond vite et sans passer par les
doigts. Elle reconnaît complètement la façon dont elle procède dans sa tête dans les animations d'aide. Elle avait révisé les doubles de son côté, faute d'ordinateur en état
de marche pour s'entrainer sur le logiciel lui-même, et le gain en rapidité et en fiabilité est remarquable.
Une fois de plus, Clara confirme qu'elle a une capacité exceptionnelle à "sentir" si une méthode va marcher ou pas sur elle ; et si elle sent que oui, elle peut
l'investir d'elle-même, avec à la clé une quasi-immédiateté dans des changements aussi radicaux qu'inattendus à court terme.
Clara me raconte qu'elle a finalement rencontré une orthophoniste quelques jours plus tôt, qui l'a surtout évaluée en calcul, et qui n'a pas jugé utile de mettre en place
une rééducation en logico-maths. Par rapport à ce que Clara a démontré en calcul aujourd'hui, ça n'est pas vraiment une surprise. Mais le bilan aurait sûrement été très
différent 2 mois et demi plus tôt.
Toutefois, je n'explique toujours pas la très faible propension de Clara à utiliser d'elle-même ses doigts pour compter ou calculer, alors qu'à chaque fois qu'elle le fait
elle peut constater qu'elle trouver le résultat facilement et rapidement. Connaissant Clara, quand elle constate que quelque chose marche pour elle, elle s'en saisi tout de suite et
avec une efficacité spectaculaire. Ca n'est pas logique qu'elle n'ait pas installé le réflexe des doigts, par rapport au fonctionnement qu'elle montre d'habitude. Aucune des
hypothèses que j'ai proposées pour expliquer cela n'a été validée par Clara, et la connaissant, si j'avais mis le doigt sur la bonne cause, elle l'aurait validée. De plus, si elle
fait 7 sur ses doigts sans regarder ses mains, elle a du mal à sentir ou se représenter ses 7 doigts dépliés et ses 3 doigts repliés, même si je lui touche les mains en même temps
pour l'aider à les sentir. C'est comme si un lien entre doigts et nombre était "délié" dans sa tête, même si en lui demandant explicitement de surcompter sur ses
doigts elle trouve le résultat de son calcul facilement. Peut-être que la non-construction du lien entre aspects cardinaux et ordinaux du nombre explique qu'elle n'ait pas le réflexe du
surcomptage, car il se fonde largement sur ce lien ; hypothèse qui ne faisait pas partie de celles que j'ai soumises à Clara.
Heureusement que maintenant elle mentalise mieux les calculs et donc qu'elle a moins besoin des doigts.
Nous corrigeons la fiche 12 des problèmes, faite seule (pour les choix opératoires) et sans erreurs. Clara a donc retrouvé le niveau d'avant l'interruption
pour les problèmes en une étape.
Nous faisons ensemble la
fiche 13 des problèmes.
Le premier problème est un sens supplémentaire de la soustraction (combien on a enlevé), les autres sont en plusieurs étapes.
Il y a également du mieux, mais il est nécessaire de continuer à travailler sur le questionnement qui permet de
traiter des problèmes en 2 ou 3 étapes : Qu'est-ce qu'on connaît ? Qu'est-ce qu'on ne connaît pas mais qu'on peut calculer (souvent dans une première étape) ? De quoi
aurait-on besoin pour calculer ce qu'on cherche (souvent les termes de l'opération de la dernière étape) ?
Révision pendant 5-6 minutes des tables d'addition sur le logiciel Tables d'additions. On peut dire que c'est acquis. C'est aussi de plus en plus rapide.
Nous revenons sur le logiciel Pyramides additives qui permet de combiner calcul mental et calcul posé selon les cases, sur des nombres plus grands. Accessoirement, c'est aussi une activité qui propose des situations dans lesquelles on choisit entre addition et soustraction, ce qu'il est toujours utile de renforcer et d'étendre à des contextes diversifiés. Là aussi c'est mieux ; on n'en est pas encore au stade de l'autonomie sur cette activité, mais on pourrait la "tenter" bientôt.
Nous travaillons pour la première fois sur le logiciel Carrés magiques 5x5 (pour Windows), avec des objectifs similaires : s'entrainer au calcul posé des additions et soustractions, et pratiquer une activité différente dans laquelle il faut aussi distinguer l'addition et la soustraction dans les stratégies de résolution. Aborder de nouvelles activités plus complexes permet aussi de renforcer la conscience des progrès accomplis.
Travail à faire pour la fois suivante :
- Pas de problèmes à résoudre cette fois-ci, on peut considérer que les choix opératoires sont acquis et qu'il y a d'autres priorités maintenant.
- Apprendre "par coeur" les tables de multiplication par 2 (déjà connue sous la forme des doubles), et par 3. Je mets "par coeur" entre guillemets
car je sais que Clara passera plutôt par la voie du visuel.
- Une multiplication posée par 2, et deux multiplications posées par 3 (en regardant les tables au besoin).
- Inventer un problème dans lequel il faut faire une soustraction qui n'a pas le sens d'enlever (la question n'est pas du type "Combien il reste de...").
Après la séance précédente qui avait été extrêmement encourageante, j'avais donc prévu d'aller de l'avant. Mais cette séance-là a été, à l'inverse, assez laborieuse.
Les tables de multiplication n'ont pas été vraiment travaillées (et ne sont pas sues), les opérations posées comportent quelques erreurs d'étourderie, et le problème à créer n'a pas été fait (quoiqu'en le faisant ensemble, je me suis rendu compte que ça représentait une difficulté anormalement élevée pour Clara).
Ensuite, nous faisons ensemble la
fiche 14 des problèmes,
avec comme projet de structurer les apprentissages acquis autour d'une technique de résolution des problèmes en plusieurs étapes. On commence par chercher, en s'appuyant entre autre
sur la question, à quoi pourrait ressembler la dernière étape. On ne représente pas les nombres par une quantité chiffrée (qui peut être connue ou non) mais par ce qu'ils représentent,
ce qui est difficile pour Clara. Ex pour le premier problème :
Prix des achats - La remise = Prix à payer
Ensuite, on :
- Encadre en rouge Prix à payer (ce qu'on ne connaît pas et qu'on ne peut probablement pas calculer en une seule étape)
- Souligne en vert La remise (ce qu'on connaît déjà)
- Souligne en pointillés rouges Prix des achats (ce qu'on ne connaît pas déjà, mais on connaît les éléments qui permettent de le calculer avec une opération)
Quand on a un rouge et un vert, il y aura 2 étapes en tout ; quand on a 2 rouges, il y aura 3 étapes en tout.
Mais on rame. Clara semble en régression sur les acquis précédents, indépendamment des difficultés liées au fait qu'un adulte cherche à structurer, qui pourraient être considérées comme normales.
Ensuite, nous travaillons une nouvelle fois sur le logiciel Pyramides additives, en conservant l'idée de structurer ce qui a été vu avant, et avec aussi le projet d'aller vers une complète autonomie dans cette activité. On commence donc par rappeler avec deux petits schémas chacun des deux cas. On isole une petite pyramide de 3 cases, si on cherche la case du dessus on additionne, si on cherche une des cases du dessous on soustrait. Ensuite, je laisse faire Clara. Il y a du mieux, mais on n'en est pas encore à l'autonomie souhaitée. Et à nouveau quelques propositions invraisemblables dans le calcul mental.
Nous finissons par quelques minutes de révisions sur le logiciel Tables d'addition. Là aussi, il y a régression. Le besoin d'entretenir les acquis pour qu'ils ne s'envolent
pas est clairement constaté.
Il faut toutefois mettre ces constats en perspective du rythme de progression atypique de Sara. Les progrès sont immédiats, inattendus, extrêmes. On passe de rien à tout sans
délai, presque sans travail parfois. Il est donc prévisible qu'ensuite, la période de stagnation (qui suit normalement un apprentissage) soit une période où la régression menace,
entre-coupée de moments d'effondrement temporaire des savoir-faire. Même en intégrant ces périodes, le rythme de progression dépuis le début de notre travail reste exceptionnel.
Pour la fois suivante, je redonne la même chose : apprendre les tables de multiplication par 2 et par 3, et 3 multiplications par 3 à faire, en raison des étourderies dans la série précédente.
Je conclus par des encouragements. Tout est normal, on constate juste qu'il faut continuer à travailler.
Nous corrigeons les 3 opérations à poser, faites sans erreurs cette fois. Clara me dit qu'elle a vraiment essayé d'apprendre ses tables cette fois, et on peut lui faire confiance. Nous travaillons sur le logiciel Tables de multiplication, et il semble que Clara rencontre une difficulté réelle à mémoriser ces tables, sans que sa bonne volonté ne soit en cause.
Nous faisons ensemble la fiche 15 des problèmes, en structurant à chaque fois les étapes comme la fois précédente. Il y a du mieux par rapport à la fois précédente. Ce qui est nouveau doit encore être travaillé, mais les bases sur lesquelles ce travail se construit ne présentent plus de signes de régression.
Toutefois, je remarque une nouvelle fois des problèmes de confusion, que les progrès accomplis rendent de plus en plus difficiles à interpréter. Très souvent,
Clara confond "+" et "-". Pas au sens où elle n'aurait pas compris
le sens de l'addition et de la soustraction. Maintenant c'est acquis, avec la résolution de problèmes en une étape. C'est davantage une sorte de "réflexe" de confusion : elle
pense l'un et c'est l'autre qui "sort" de sa bouche. On le retrouve même en écriture, elle annonce "-" et écrit un "+" dans la seconde qui suit. C'est plus souvent à faveur du
"+" que l'inverse. Selon Clara, c'est parce que "à l'école on fait plus souvent des +". Sa phrase n'est pas très bien formulée, parce que ce n'est plus le cas
aujourd'hui, mais on voit bien la justesse de l'intuition qui est derrière : la trace laissée dans le cerveau, dès le début de l'apprentissage, par cette période de temps où
l'addition était la seule opération envisagée.
Bien sûr ce problème était déjà là avant, mais il ne réduit pas malgré les progrès, et cela devient de plus en plus pénalisant pour aller vers une autonomie dans les activités.
Nous faisons quelques minutes de révisions sur le logiciel Tables d'additions, puisqu'on avait vu la nécessité d'entretenir les acquis la fois précédente. Clara n'a plus les difficultés rencontrées la fois précédente toutefois. Les tables d'additions apparaissent à nouveau comme acquises.
Nous terminons la séance sur le logiciel Pyramides additives. Sur le niveau vert d'abord, avec comme projet l'autonomie dans la technique de résolution, et de passer au
maximum par le calcul mental, sur lequel Clara a davantage besoin d'entrainement que sur le calcul posé. Sur le premier point, j'interviens peu, mais je ne suis pas totalement absent.
Sur le second, on voit bien qu'on n'avance qu'à petits pas sur le calcul mental.
Ensuite, je tente d'expliquer le principe du niveau bleu à partir du support avec les billes. Je ne vise évidemment pas un savoir-faire, mais plutôt à mesurer l'écart qui sépare
Clara d'un tel raisonnement, entendre son ressenti, laisser une trace pour plus tard (dans le registre du "savoir que ça existe"). Elle estime qu'elle a "un peu compris", mais
qu'en même temps ça reste "quand même bizarre".
Pour la fois suivante, j'ajoute la table de multiplication par 4 à connaître (en plus des 2 et des 3). On constate que les résultats de la table des 2 se retrouvent une fois sur deux dans la table des 4. Je donne également 3 multiplications par 4 (à faire avec la table disponible à côté évidemment). Et je dessine une petite pyramide additive à compléter à la main.
Finalement, la séance a été beaucoup plus positive que la fois précédente. Toutefois deux problèmes se détachent : la mémorisation des tables de multiplication, et ces confusions incessantes entre "+" et "-", qui persistent malgré la capacité à ne pas faire l'erreur si Clara prend le temps d'y re-réfléchir à chaque fois.
Nous corrigeons le travail laissé la dernière fois. Les multiplications par 4 ont été faites sans erreurs. Dans la pyramide additive, il n'y a qu'une erreur liée à un mauvais choix de case pour en calculer une. Clara reconnaît qu'elle n'a pas tellement travaillé les tables, mais paradoxalement en travaillant sur le logiciel Tables de multiplication, il s'est avéré que les tables par 2, 3 et 4 commencent à rentrer.
Au moment de démarrer les problèmes, je reviens sur le problème des "confusions réflexe" et j'explique à Clara la théorie développée par Olivier Houdé dans
Apprendre à résister. Ce que Houdé appelle système 1 (l'intuitif ou l'heuristique)
dysfonctionne chez Clara en maths, en raison du temps passé à faire sans donner de sens aux opérations, ce qui constitue une forme d'expérience de plusieurs années, sur
laquelle se construit ce système 1. A l'inverse, ce que Houdé appelle système 2 (les procédures conscientes et réfléchies) fonctionne en résolution de problèmes grâce au
travail effectué ensemble, mais depuis peu de temps, et donc l'expérience constituée ici est beaucoup plus faible. A cette distinction déjà posée par Piaget, Houdé ajoute
un système 3 (observable par imagerie cérébrale) dont le travail est de bloquer le système 1, pour l'empêcher de "parler" avant l'autre, puisqu'il est intrinsèquement
beaucoup plus rapide. L'activation de ce système 3 relève d'un effort de résistance (d'où le titre du livre).
Clara commente en disant qu'à l'école elle a eu une évaluation, et que le maître a écrit qu'elle répondait trop vite. Elle a donc bien compris de quoi on parlait.
Et ensuite, je n'ai pas relevé une seule fois dans toute la séance de confusions de ce type (ce qui n'exclut pas quelques erreurs d'apprentissage normales, mais qui ne relèvent
pas de ça). Après la séance, j'en ai reparlé à Clara, et je lui ai demandé si ça c'était fait naturellement ou si c'est en faisant un effort particulier à chaque fois. Elle
m'a confirmé que c'était bien en faisant à chaque fois l'effort mental dont on avait parlé.
J'ai encore peu insisté sur cet aspect depuis le début de ce récit, mais c'est loin d'être la première fois que Clara opère un changement soudain à partir d'informations
théoriques que l'on aurait pu croire réservées à la formation des enseignants. En fait, depuis le début, tous les changements importants qui se sont faits sans délai ont été amorcés par
des informations théoriques (niveau formation d'enseignants) sur les processus d'apprentissage en maths (car même si ce dernier point est une généralité neurologique,
il s'agit habituellement de didactique surtout disciplinaire).
La capacité de Clara à se saisir de telles informations, pour en faire quelque chose qui produit des changements
aussi extrêmes et aussi immédiats, en fait une élève assez atypique à mes yeux. Ses qualités de langage oral et de concentration y sont certainement pour quelque chose.
Nous faisons ensemble la
fiche 16 des problèmes, en structurant les étapes de la même façon que précédemment. On progresse, pas très vite, mais
sûrement. C'est plus typique. Je ressens bien deux types de perturbation :
- Le surinvestissement dans le sens des verbes, qui sur les problèmes en une étape déjà freinait la mise en lien avec la bonne histoire de référence.
- La confusion intuitive d'une étape avec une autre, qui pousse par exemple à vouloir faire une soustraction à la place de la multiplication requise pour la première étape,
si la deuxième étape réclame une soustraction.
Le travail sur ces problèmes et cette façon de structurer leur traitement apparaissent donc ici comme très adaptés au besoin de l'élève.
Pour le dernier problème, j'ai prévenu Clara qu'il y avait un piège. L'intuition du nombre d'étapes dysfonctionne ("deux ou trois étapes" selon Clara), mais
appliquer la même technique (rechercher les éléments et l'opération de la dernière étape), puis constater qu'on a "deux verts", traite bien l'obstacle. Avec Clara, ça se
construit premièrement avec ce qu'on cherche (à partir de la question), deuxièmement les nombres qui sont nécessaires pour calculer cela (dans ses propres termes, on
"calcule" tel nombre avec tel nombre), et troisièmement déterminer quelle opération il faut faire avec ces deux nombres (initialement cachée derrière le verbe générique "calcule").
Comme prévu je l'avais prévu, la technique apprise pour les problèmes en plusieurs étapes est efficace pour traiter des problèmes en une étape comportant des pièges ou des données
inutiles, que nous n'avions jamais travaillés avant.
Quelques petites minutes de révisions sur le logiciel Tables d'addition. Clara ne rencontre plus guère de difficultés là-dessus.
Quelques minutes sur le logiciel Tables de multiplication sur les tables des 2, des 3 et des 4. Il y a du mieux malgré le peu de temps passé à les réviser pendant la semaine.
Clara ayant retrouvé un PC en état de marche, je réinstalle tous mes logiciels, pour que Clara puisse travailler dessus par elle-même pendant les vacances. Du coup, je ne donne pas d'autre travail à faire que d'utiliser les outils informatiques connus et disponibles.
Une nouvelle fois, 5 semaines ont passé depuis notre dernière séance (pour des raisons qui ne m'appartiennent pas), et lors de la dernière interruption d'un mois Clara avait significativement régressé dans les choix opératoires, avant de retrouver son niveau d'avant après quelques séances. Lors de cette séance et surtout lors de la suivante, je vais constater que là encore il y a une régression (plus petite toutefois) sur les "bases" que Clara avait rapidement reconstruites au début de notre travail ensemble (les problèmes en une étape) ; toutefois cela ne nous empêche pas d'avancer sur des choses plus complexes. Comme Clara a de très bonnes capacités d'attention, de concentration et de lecture, un problème en deux étapes n'est pas beaucoup plus difficile qu'un problème en une étape.
J'ai demandé à Clara ce qu'elle a fait comme travail en mon absence. Ca se passe plutôt bien en maths à l'école, même si le calcul mental reste compliqué. Elle arrive à travailler seule sur le logiciel Pyramides additives avec des petits nombres, mais a rencontré des difficultés sur le logiciel Carrés magiques 5x5.
Nous avons repris avec la fiche 17 des problèmes. Le traitement des 2 étapes a bien fonctionné, ce fut globalement une bonne séance, mais avec un peu trop d'hésitations dans les choix entre champ additif et champ multiplicatif.
Nous n'avons fait que 3 problèmes car je voulais consacrer du temps à l'introduction du logiciel Jeu du 143 (version Windows ici), ce qui était bien sûr une tentative ambitieuse, mais réaliste puisqu'en lien avec l'activité Expliciter sa procédure en écriture mathématique que Clara avait très bien comprise. L'expérience a été concluante, non pas dans le sens d'une maîtrise immédiate, mais d'une compréhension du jeu qui permettra, en continuant à le pratiquer, un renforcement des concepts mathématiques et des stratégies de calcul.
Comme Clara avait rencontré des difficultés seule, nous retravaillons ensemble sur le logiciel Carrés magiques 5x5. En fait, c'est surtout la quantité des calculs qui surcharge Clara. J'arrive à la conclusion que cet outil n'est pas très intéressant avec Clara, car il est très contraignant par les calculs, tout en offrant peu de bénéfices sur le plan sémantique : les mêmes relations addition/soustraction peuvent se comprendre à partir des pyramides additives (avec moins de lourdeur), et le jeu de 143 est plus riche car il permet de combiner le champ multiplicatif et le champ additif. Nous décidons donc de mettre de côté les carrés magiques.
Pour la fois suivante, je propose juste à Clara de réutiliser le Jeu du 143 avec un adulte ou une copine. Si j'avais eu plus de recul sur la situation, j'aurais redonné comme avant des problèmes simples à résoudre avec les fiches-outils, en guise de révision.
Nous commençons avec la
fiche 18 des problèmes, qui est conçue pour continuer à avancer :
* types de problèmes et de questions différents.
* notion de reste dans les divisions (jusque-là nos histoires de partage tombaient "juste").
* des passerelles sémantiques possibles avec ce que met en jeu le Jeu du 143.
Clara avance dans la compréhension. Elle a besoin d'aide et d'explications, ce qui est normal face à des choses nouvelles. Je note toutefois, plus fortement que la fois précédente, un besoin de réviser les choix opératoires de base. Le fait que les fiches-outils soient restées trop longtemps inutilisées en est probablement la cause. Peut-être faudrait-il que Clara les emmène avec elle à l'école, en cette fin d'année qui approche.
Révisions sur le logiciel Tables d'addition, pas d'erreur. Comme les tables sont toujours acquises, la prochaine fois on pourra revenir sur des stratégies de calcul mental sur des nombres plus grands, par exemple des soustractions par complément en faisant une étape à la dizaine supérieure (déjà expliqué mais ça a du mal à rentrer).
Nous faisons deux parties sur le Jeu du 143.