Astronomie amateur

Notions de base pour débuter et choisir son matériel

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Une première version de ce guide avait été publiée il y a de nombreuses années. Elle était devenue depuis longtemps très obsolète en raison de l'évolution des télescopes, des caméras et des logiciels de traitement d'images. J'ai donc entrepris à l'hiver 2022 de le réécrire en profondeur, pour aboutir à la version actuelle.
Le but de cette page est de présenter ce qu'est l'astronomie amateur, ce qu'il est possible de faire à quel prix et avec quelle expérience, et de donner les repères essentiels au choix d'un instrument. Elle ne constitue pas un mode d'emploi exhaustif, c'est une base de connaissances pour savoir de quoi on parle avant de chercher plus loin (forums, clubs, magasins spécialisés). De fait, elle ne se limite pas non plus au simple choix d'un premier télescope d'initiation, afin d'apporter des éléments de réflexion à plus long terme. Je tenterai donc d'éclairer les enjeux techniques, humains et financiers, sans m'attarder sur les définitions de tous les termes techniques que je vais employer. En cas de besoin, une rapide recherche Google vous permettra de trouver sans difficulté la différence entre une nébuleuse et une galaxie, ou entre un Newton et un Schmidt-Cassegrain.

I) Les deux types d'observation

Il existe deux familles d'objets observables.

L'observation planétaire

L'observation dite planétaire concerne presque exclusivement les 4 objets suivants : la Lune, Mars, Jupiter, Saturne. On pourrait ajouter Vénus et Uranus, mais obtenir quelques maigres détails sur ces planètes est réservé à une élite. Elle n'est pas sensible à la pollution lumineuse, donc peut se pratiquer même en plein Paris. La ville offre même souvent un ciel plus favorable que la campagne, si on fait attention aux sources de chaleur locales, car la masse d'air au-dessus des villes est souvent plus stable. La pauvreté de ce répertoire est en partie compensée par les variations que ces objets proposent : changements quotidiens d'éclairage pour la Lune, changements dans les bandes nuageuses sur Jupiter, changements d'angle d'inclinaison pour les anneaux de Saturne. Les instruments adaptés à l'observation planétaire sont ceux qui supportent bien les forts grossissements nécessaires pour ces objets de petite taille (bonne qualité optique, longue focale).

L'observation du ciel profond

L'observation du ciel profond concerne un nombre d'objets potentiellement très grand si on utilise un instrument puissant dans un site d'observation adapté. Le répertoire en observation visuelle n'est toutefois pas si étendu pour les petits diamètres (moins de 250mm) ou dans un ciel pollué. C'est seulement en alliant un bon site d'observation et un grand diamètre (en visuel) que le champ des possibles devient très étendu. Il y a principalement 4 catégories d'objets dans le ciel profond : les galaxies, les nébuleuses, les nébuleuses planétaires, les amas globulaires. Ils ne présentent pas de changements visibles d'une année sur l'autre, ni à l'échelle d'une vie humaine, l'astronome les voit donc toute sa vie à l'identique, sauf à avoir recours à un matériel plus puissant ou à un site d'observation plus qualitatif. Ces objets lointains sont beaucoup plus étendus et beaucoup moins lumineux que les planètes, on les observe donc avec un faible grossissement qui garantit à la fois un plus grand champ de vision et surtout une plus forte luminosité. L'observation du ciel profond est très sensible à la pollution lumineuse. Certains objets, comme les nébuleuses à émission, peuvent s'observer avec des filtres spécifiques qui contrent efficacement la pollution lumineuse à la fois naturelle et artificielle, mais aucune solution semblable ne fonctionne pour les autres objets du ciel profond.

II) Les deux manières d'observer

On distingue l'observation visuelle (oeil à l'oculaire) et la photographie. Ces deux techniques sont à croiser avec les deux types d'objets à observer. J'abandonne toutefois ici le tableau à double entrée de l'ancien guide, car il y a une différence notoire au niveau instrumental entre le planétaire et le ciel profond.
En planétaire, c'est la qualité optique, et une formule optique adaptée, qui comptent le plus, et ce, peu importe que l'on parle d'observation visuelle ou de photographie. L'instrument destiné à l'observation visuelle des planètes sera également bon pour les photographier, et inversement.
Il en va tout autrement de l'observation du ciel profond. En observation visuelle d'une part, le diamètre est quasiment le seul critère, donc on privilégiera une formule de type Dobson qui offre le plus grand diamètre possible au moindre coût. En revanche en photographie, la pièce maîtresse est la monture, qui doit être surdimensionnée par rapport à ce qu'elle supporte. Il serait donc difficile d'atteindre en photographie les diamètres qui donnent de bons résultats en observation visuelle (en ciel profond toujours), sauf à avoir recours à une monture d'observatoire à poste fixe de 60 kilos.

Fausse représentation : On entend parfois dans la bouche des débutants qu'ils aimeraient pouvoir faire quelques photos, juste pour garder un souvenir des leurs observations. Ce raisonnement s'appliquait sans doute à vos souvenirs de vacances à Ibiza. Mais il ne fonctionne pas en astronomie. La photo et le visuel sont deux techniques différentes, qui donnent des résultats extrêmement différents, moyennant un temps différent (la photo prend beaucoup plus de temps), et recourent à des instruments parfois différents aussi. On ne fait pas les deux, ou alors pas la même nuit, et les objets que l'on observe en visuel ne sont pas nécessairement les cibles que l'on photographie.

III) Définir son projet

Avant tout investissement, il est donc important de réfléchir précisément à son projet, qui se construit en prenant en compte plusieurs critères :

Voyons maintenant de façon plus détaillées les différents terrains de jeu.

V) Observation visuelle des planètes

1) Les objets à observer

L'observation planétaire visuelle se porte sur les objets les plus lumineux, et qui restent les plus lumineux malgré les forts grossissements utilisés. Pour cette raison, elle est perçue par certains comme la plus spectaculaire (notamment la Lune). Pourtant, la variété des objets est très limitée :

2) Les formules optiques appropriées

L'observation visuelle de la Lune et des planètes est généralement l'activité par laquelle commence le parcours d'un amateur. La raison est bassement matérialiste. C'est dans ce domaine d'application que les petits instruments d'initiation se défendent honorablement au regard de la coût modeste, tandis que leur diamètre limité les freine en ciel profond, et que leur frêle monture répondrait difficilement aux exigences de la photographie. Le fait qu'il n'y ait pas à se déplacer loin de la pollution lumineuse de sa ville est également un critère en faveur des premiers pas sur le planétaire.

Les lunettes sont des instruments particulièrement adaptés à l'observation visuelle planétaire. Je parle ici des lunettes à longue focale et non des lunettes haut de gamme très ouvertes dédiées essentiellement à la photgraphie des nébuleuses. L'alignement des optiques (collimation), qui est très sensible en planétaire sur les télescopes, aura été réglé en usine définitivement pour une lunette : il n'y aura pas de meilleur réglage à rechercher régulièrement pour l'utilisateur comme sur un télescope. De plus, le piqué de l'image et ses couleurs sur les planètes sont meilleurs avec une lunette qu'un télescope. En revanche, les grossissements sont moins importants qu'avec un gros télescope en raison du diamètre nettement plus petit. Des lunettes de plus grand diamètre coûteraient très cher, et celles qui seraient optimales pour le planétaire seraient de plus très encombrantes.
Les télescopes Maksutov (surtout) et Schmidt-Cassegrain (un peu plus polyvalents) sont également performants mais nécessitent qu'on réajuste occasionnellement l'alignement des miroirs (collimation). Ils permettent d'évoluer vers la photographie planétaire plus facilement qu'une lunette.
Les télescopes Newton sont ici moins adaptés, mais ils peuvent aussi donner des résultats corrects si leur optique est de bonne qualité, et surtout, si l'alignement des miroirs (collimation) a été réalisé avec une extrême précision. Or c'est sur les Newton que ces réglages sont les plus délicats.
Une monture équatoriale motorisée ou motorisable, pas nécessairement surdimensionnée, permettra assez facilement d'évoluer du visuel vers la photo, dans le domaine du planétaire.

3) Oculaires et grossissements

Rappel : Grossissement = focale de l'instrument / focale de l'oculaire

A l'inverse de la photo où les choses sont relativement prévisibles par le calcul théorique, l'observation visuelle laisse une plus large place à la subjectivité de l'observateur. La théorie ne donne pas forcément un aperçu fidèle de la perception humaine en observation visuelle, et ne permet donc pas toujours de départager les avis divergents des observateurs. Ainsi vous entendrez probablement tout et son contraire sur la question du grossissement optimal à utiliser en observation planétaire, qui va nous intéresser ici.

Ainsi en théorie, le grossissement qui offre le plus de détails représente les 2/3 du diamètre, soit seulement 133 fois pour un instrument de 200mm de diamètre. Un chiffre qui peut paraître ridiculement faible, et une affirmation que la plupart des observateurs expérimentés qualifieraient même de fantaisiste sur le plan pratique, en dépit de son fondement mathématique.

En pratique, c'est un grossissement plus ou moins égal au diamètre qui donne le plus de détails en planétaire, le rapport optimal exact dépendant de nombreux facteurs : habitudes et préférences de l'observateur, qualité des optiques, intensité de la turbulence atmosphérique, précision de l'alignement optique, formule optique de l'instrument, diamètre, tube ouvert ou fermé...

En fonction de tous ces facteurs, le grossissement conseillé en planétaire variera entre 0,7 fois le diamètre (dobson de grand diamètre mal adapté au planétaire) et 1,5 fois le diamètre (instruments de petit diamètre et haute qualité optique). Un grossissement supérieur à 1,5 fois le diamètre est possible, mais l'oeil travaillera dans de très mauvaises conditions, et il y aura vraisemblablement moins de détails visibles qu'avec un grossissement plus raisonnable. Un grossissement proche du diamètre en mm demeurant quand même la valeur repère autour de laquelle on va tourner, notamment à partir d'un diamètre de 200mm.

Le grossissement maximum théorique de 2,5 fois le diamètre est sans utilité pratique, si tant est que cette valeur arbitraire corresponde à une quelconque réalité théorique.

On peut noter au passage, même si cela s'adresse sans doute à un public plus élitiste, que les plus forts grossissements sur un télescope ne sont pas ceux utilisés en planétaire, mais en ciel profond : sur les nébuleuses planétaires ! En effet, dans la limite où la luminosité de l'objet est suffisante, on peut accepter des grossissements tellement élevés que la netteté de l'image s'en ressent, dans la mesure où l'objet observé est lui-même un objet flou. En planétaire en revanche, on observe des détails nets, donc même si c'est à fort grossissement, il faut que ça reste du fort grossissement propre.

En conséquence, il faut soigner la qualité optique du tube optique et de l'oculaire destinés à l'observation planétaire : un tube optique de qualité ne peut pas se contenter à fort grossissement d'un oculaire premier prix. Les lentilles de barlow sont à éviter, toutefois une barlow de très haute qualité achetée pour la photo peut être utilisée exceptionnellement pour dépanner. Contrairement à ce qu'espèrent certains débutants, une lentille de barlow ne change rien aux ratios donnés plus haut, puisque c'est toujours le grossissement final (obtenu avec la barlow) qui est à comparer au diamètre en mm de l'instrument.

4) Filtres

Il existe des filtres de couleur censés améliorer le contraste de certains détails sur les planètes, mais cette pratique compte peu d'adeptes, en raison d'une part de sa faible efficacité par rapport au but annoncé, et d'autre part parce que l'image globale de la planète s'en trouve fortement dénaturée.

Pour la Lune, un filtre neutre ou polarisant est utile pour réduire la luminosité naturellement trop forte, à partir de 100mm de diamètre. Dans un cas comme dans l'autre, ces filtres n'ont pas de couleur apparente à l'oeil, ils sont gris. Les filtres lunaires verdâtres, tels que ceux parfois (ou autrefois ?) livrés avec les petits instruments d'initiation, sont à éviter en raison de leur très mauvaise qualité.
Ce qui existe de mieux ici est un jeu de filtres polarisants rotatifs, car on peut faire varier l'opacité du filtre pour l'adapter aux préférences de l'observateur et au diamètre de l'instrument utilisé. Un filtre d'opacité réglable est intéressant si on observe la Lune avec plusieurs instruments dont un de très grand diamètre.

Le filtre lunaire est également très utile pour observer Jupiter et Mars qui, à des grossissements permettant de préserver une bonne finesse d'image, ont une luminosité assez forte pour écraser les détails. Réduire la luminosité sans avoir à monter dans des grossissements excessifs peut aider à mieux percevoir les détails. Là encore, l'opacité optimale ne sera pas la même pour Jupiter et pour Mars qui ne sont pas à la même distance du Soleil, donc un filtre réglable (chercher "jeu de filtres polarisants rotatifs") peut avoir son utilité.
Les astronomes professionnels considèrent souvent que les télescopes des amateurs donnent une meilleure image des planètes en visuel que les obsertoires professionnels de seconde zone équipés de plus grands diamètres. Cela peut s'expliquer par le fait qu'un grand diamètre collecte beaucoup de lumière, or un surplus de lumière, non seulement écrase les contrastes, mais aussi et surtout, rend plus impactants tous les défauts du système optique et de la turbulence. Un grossissement choisi de façon optimale, et un ajustement de la luminosité optimale avec un filtre lunaire réglable par un bon amateur, leur donnerait probablement une meilleure idée de la qualité leurs instruments.

5) Entrainement visuel

Comme en ciel profond, mais différemment et pour d'autres raisons, l'observation planétaire demande de la patience. La turbulence affecte l'image, mais de façon irrégulière par définition. Le cerveau construit donc une représentation de l'image à partir des détails que l'oeil capte au fil des trous dans la turbulence, qui durent parfois moins d'une seconde. Cette gymnastique de l'oeil et du cerveau demande de l'entrainement. De même il faut regarder assez longtemps pour bénéficier de plusieurs instants favorables et intégrer petit à petit l'image du moment. Si on regarde 3 secondes, on ne voit rien ! Contrairement au ciel profond, un observateur planétaire expérimenté et patient pourra percevoir les mêmes détails (ou presque) que sur une photo traitée moyenne prise dans les mêmes conditions de turbulence. Mais ce n'est pas l'impression que ça donnera de prime abord, où l'image à l'oculaire paraîtra plus lumineuse, plus compacte, plus petite, moins détaillée. Les mêmes détails fins n'apparaîtront qu'après un patient travail visuel, qui sur la photo est en quelque sorte déjà fait.
A l'époque de la photo argentique, c'était un peu différent : le visuel l'emportait facilement sur la photo.

VI) Observation visuelle du ciel profond

1) Introduction

Avertissement : Les objets du ciel profond n'apparaissent jamais à l'oculaire d'un télescope comme sur les photos qu'on trouve sur internet. Ce sont des objets très peu lumineux, qui sont photographiés avec des temps de pose de plusieurs dizaines de minutes, voire plusieurs heures ; alors que l'oeil n'accumule pas la lumière au-delà d'un dixième de seconde. Il n'y a donc aucune comparaison possible entre les résultats. Le résultat en visuel s'apparente toujours à des tâches sans couleurs, plus ou moins pâles ou lumineuses, compactes ou diffuses (sauf pour les amas globulaires qui sont les seuls objets du ciel profond sur lesquels le visuel peut dépasser la photo, pour les télescopes de grand diamètre).

Il est indispensable ici de disposer d'un site d'observation dépourvu de pollution lumineuse, et d'un instrument du plus grand diamètre possible. La formule dobson telle qu'elle était proposée à l'origine (sans moteur, ordinateur, ect...) permet de disposer d'un grand diamètre à un prix abordable. Le Dobson ne permettra pas d'évoluer vers la photographie et restera très médiocre en planétaire, mais sa qualité reste suffisante en ciel profond.

Dans la mesure où la formule Dobson permet d'accéder à de bons diamètres à des prix abordables, et où il s'agit du domaine d'activité le plus sensible à la pollution lumineuse, c'est bien la question de l'accès aux sites d'observation qui constitue le principal facteur discriminant. L'âge peut également en être un : l'oeil va ici devoir travailler avec de très faibles luminosités, or la sensibilité de l'oeil en vision nocturne diminue avec l'âge. Bien sûr l'entrainement visuel comptera énormément, mais commencer cette activité après 70 ans n'offrira pas les mêmes perspectives que commencer à 20 ans.

2) Oculaires et grossissements

Il sera important ici de disposer d'une gamme d'oculaires si possible à grand champ (les objets observés peuvent être immenses même à faible grossissement), proposant des grossissements échelonnés adaptés aux différents objets observables. Le carré du rapport entre diamètre et grossissement définira la densité de lumière de l'objet, mais aussi du fond de ciel. Il est important ici de noter que le ciel nocturne n'est pas complètement noir, même en l'absence de toute pollution d'origine humaine. Dans un télescope avec le grossissement minimum, cette pollution lumineuse naturelle suffit à donner un fond de ciel déjà relativement lumineux.

Ainsi, le grossissement optimal pour les galaxies n'est pas le grossissement minimum, bien qu'il offrirait plus de luminosité sur ces objets faibles. L'oeil perçoit mieux les contrastes quand le fond de ciel reste relativement noir, ce qui fait que c'est un grossissement d'environ 1/3 de diamètre (dans un ciel sans pollution artificielle) qui offre le plus de détails sur les galaxies, dont la lumière sera encore visible alors que le fond de ciel aura un aspect nettement plus sombre.

Dans ces conditions, les plus petits grossissements servent-ils encore à quelque chose, puisqu'on est encore environ au double du grossissement minimum ? Oui pour deux raisons. D'abord le pointage, qui demande d'avoir à disposition un grossissement minimum pour avoir le plus grand champ de vision, qui sera bien utile pour rechercher un objet. Ensuite, certains objets du ciel profond, les nébuleuses à émission, sont filtrables. Le filtre assombrissant drastiquement le fond de ciel, il devient intéressant pour observer les nébuleuses à émission d'utiliser des grossissements entre 1/4 et 1/6 de diamètre. Le grossissement minimum est déterminé par le diamètre maximum de dilatation de la pupille de l'observateur. Une pupille de 6mm fixe le grossissement minimum à 1/6 de diamètre (du télescope). Le diamètre de la pupille, variable d'une personne à l'autre et surtout au long de la vie, atteint 7mm vers 20 ans, mais tombe à 4mm pour un enfant ou une personne âgée. Un grossissement minimum de 1/5 de diamètre offre une très grande luminosité tout en restant assez démocratique d'accès. Il constituera le grossissement que l'on utilise pour pointer, et associé à un filtre Oxygène III, le grossissement dédié à l'observation des nébuleuses à émission vastes et diffuses.

Des grossissements plus élevés sont également utiles pour observer des objets plus compacts. Nous avons parlé dans la partie consacrée au planétaire du grossissement résolvant de 2/3 de diamètre. Bien qu'en planétaire il ne constitue pas (en pratique) le grossissement qui offre le plus de détails, comme l'aurait prédit la théorie, il demeure en ciel profond un excellent compromis entre grossissement et qualité d'image, notamment avec une optique de qualité modeste. Il sera donc utile de disposer d'un oculaire offrant un grossissement de 2/3 de diamètre, qui sera utilisé sur des objets relativement compacts, comme la nébuleuse planétaire M57 ou les amas globulaires.

Pour les amateurs d'observations visuelles plus extrêmes, certaines nébuleuses planétaires de très petite taille peuvent s'observer avec des grossissements plus élevés qu'en planétaire. Le manque de netteté découlant d'un grossissement extrême est ici moins gênant qu'en planétaire, car l'objet observé est de base déjà flou. Ce sont toutefois des cas particuliers dans l'observation du ciel profond.

Comme en planétaire, on constate certaines différences entre la théorie et la perception humaine. En théorie, la luminosité de surface d'un objet donné ne dépend que du (carré du) rapport diamètre / grossissement. Ainsi un télescope de plus grand diamètre offrirait, à rapport diamètre / grossissement égal, une image plus grande avec la même densité de lumière à l'intérieur. Mais ce type de calcul, qui fonctionne très bien en photo, ne correspond pas vraiment à l'expérience pratique en visuel, où les plus grands diamètres écrasent les plus petits de manière bien plus spectaculaire que le calcul permettrait de le prévoir. Tant que la différence de diamètre n'est pas trop importante, la différence est surtout notoire sur les objets compacts du ciel profond, moins sur les plus diffus. Mais quand la différence de diamètre devient plus conséquente, la différence devient spectaculaire sur les objets diffus également. Le ciel profond est en cela aussi assez différent du planétaire, où les petits instruments adaptés et de bonne qualité optique se défendent honorablement face aux très grands diamètres.

3) Filtres spectraux et anti-pollution

Les filtres dédiés à l'observation des nébuleuses à émission, dits filtres spectraux, sont parfois appelés filtres anti-pollution par les amateurs débutants, ou simplement excédés à juste titre par celle-ci. Mais cette appellation est un peu galvaudée, car comme on l'a vu plus haut, ces filtres sont tout indiqués également pour l'observation des nébuleuses dans les sites épargnés par la pollution lumineuse artificielle.

Il existe des filtres plus ou moins restrictifs. Un filtre ouvert comme le CLS Astronomik sera intéressant dans un ciel peu pollué et avec un grossissement pas trop faible. Un filtre UHC est un peu plus strict. Le filtre Optolong L-eNhance, bien que conçu pour la photo, peut constituer un filtre encore un peu plus strict en visuel, intéressant notamment dans un ciel un peu plus pollué. Bien sûr il laisse passer la lumière de l'hydrogène alpha qui n'est pas accessible à l'oeil humain en faible lumière, mais pour la même raison la pollution lumineuse située dans la même longueur d'onde ne sera pas perçue non plus (sauf à atteindre un niveau de pollution délirant). Enfin, le filtre Oxygène III est celui qui offre le filtrage le plus drastique. Il peut rendre détectable une nébuleuse masquée par la pollution lumineuse, et s'avère encore très utile dans un bon ciel quand on observe une nébuleuse, notamment difficile, avec le grossissement minimum.
Bien sûr ces filtres ne sont pas utilisables sur les autres objets comme les galaxies ou les amas d'étoiles. Ils ne concernent que les nébuleuses, et plus ils sont puissants, plus ils sont spécifiques à la lumière émise par l'oxygène des nébuleuses à émission.

4) Objets à voir pour débuter

Nous avons déjà dit que les photos ne donnaient pas un aperçu réaliste de ce qu'on peut espérer de l'observation visuelle. On pourrait dire aussi que les premières observations ne donnent pas toujours non plus un aperçu objectif de la difficulté de la chose. En effet, la grande majorité des objets faciles se trouve dans le ciel d'été, soit la période à laquelle curieux et néophytes se rendent à leurs premières soirées d'observation. Or si les objets faciles que nous montrons au grand public en été lors d'événements comme les Nuits des étoiles font déjà bonne figure dans un instrument de 200mm de diamètre, c'est beaucoup plus compliqué si on pose le problème sur la globalité de l'année.

Les objets les plus abordables dépendent de la latitude de l'observateur.

A la latitude moyenne de la France métropolitaine ou du Québec, dans le ciel d'été :
- M13 est le plus bel amas globulaire.
- Les nébuleuses planétaires M27 et M57 écrasent la concurrence.
- L'immense ensemble des dentelles du Cygne, un rémanent de supernova, est une bonne exploration. La partie la plus brillante est la petite dentelle NGC 6995.
- La galaxie d'Andromède (M31), en fin de séance, écrase toutes les autres par sa luminosité, sans présenter de détails intéressants pour autant.

Le ciel d'hiver est dominé par les nébuleuses, M42 surclassant évidemment toute concurrence.
Le printemps est la saison des galaxies, et offre donc la plus grande palette d'observations à l'élite des observateurs. Mais cette richesse est difficilement accessible avec des moyens plus modestes. On peut citer la galaxie du tourbillon (M51), le doublet M81/M82, le triplet du Lion (M65, M66, NGC 3628), ou encore la galaxie de l'aiguille (NGC 4565) comme objets un peu plus accessibles.
Le ciel profond d'automne est quant à lui relativement pauvre, dominé par la galaxie d'Andromède (M31) et la galaxie du Triangle (M33).

Ceux qui ont accès à des latitudes un peu plus au sud (Pyrénées, Portugal, Maroc, Antilles françaises), et qui peuvent observer un peu plus bas sur l'horizon sud grâce notamment à l'altitude, auront accès dans des conditions plus favorables à la direction du centre de notre galaxie, située du côté du Sagittaire, donc dans le ciel d'été et assez nettement sous l'équateur du ciel. On y trouve notammant l'amas globulaire M22 qui est le plus bel amas globulaire du ciel du monde (à l'exclusion de Oméga du Centaure qui n'en est pas un vrai), la nébuleuse Oméga (M17), la nébuleuse de la Lagune (M8) et la nébuleuse Trifide (M20).

5) Site d'observation

Comme nous l'avons dit au départ, le site d'observation est un point critique pour l'observation visuel du ciel profond, au regard de la pollution lumineuse.
Un premier outils indispensable est la carte de la pollution lumineuse (modélisation théorique) : https://www.avex-asso.org/dossiers/wordpress/fr_FR/la-pollution-lumineuse-light-pollution/carte-de-pollution-lumineuse-de-la-france-2020

Il est conseillé d'utiliser la carte avec l'échelle "astrophoto" qui est plus exigente. L'idée que la pollution lumineuse serait plus gênante en photo remonte au temps des pellicules argentiques et des lampes à vapeur de mercure. Avec les caméras numériques et les traitements informatiques, la photo est devenue moins sensible à la pollution lumineuse que le visuel.

En matière de pollution lumineuse, les sites d'observation sont notés sur l' échelle de Bortle.

Il y a ensuite quelques règles de base à connaître :

En regardant la carte, on constate que les régions situées au Nord et au Nord-Ouest de la France sont très mal loties pour l'observation du ciel profond. Le Nord-Est est également très pollué, mais offre quelques opportunités du côté du département de la Meuse. Sans parler de la région parisienne. Tout le monde n'a donc pas en France un ciel convenable pour l'observation visuelle du ciel profond. Il faut en tenir compte dans la construction de son projet.

Bien que je sois moi-même un photographe et non un grand observateur visuel, je peux vous présenter ici à titre d'exemple les différents sites d'observation où je me suis rendu au cours de mes 25 années d'astronomie au compteur. Je préciserai à chaque fois la classe sur l'échelle de Bortle et le fond de ciel minimum que j'ai en photo après une pose de 7 minutes au zénith en ADU sur 15 bits.

Le site d'Hauviné (08), au départ de Reims, latitude 49°18'43'' Nord, longitude 4°23'40'' Est. Bortle classe 4. 500 ADU (il y a quelques années, un peu plus maintenant ?) après extinction d'Hauviné.
C'est un bon site typique de la campagne à 25 km de la sortie d'une grande ville (Reims 200.000 habitants). La direction ESE est excellente, peu peuplée et avec des villages qui éteignent tôt. La direction ONO est en revanche très polluée, le halo de Reims montant jusqu'au zénith. Le plein sud est loin d'être complètement épargné, puisque c'est la direction du halo de pollution de Chalons-en-Champagne. Plein nord il y a le halo de Rethel, moins gênant dans cette direction. Des éoliennes clignotent dans toutes les directions, et il faut éviter de regarder trop directement celles dans la direction du NNO pour s'épargner un léger éblouissement. Avec un équateur du ciel qui dépasse tout juste les 40° de hauteur plein sud, sur un terrain absolument plat, l'observation d'objets de l'hémisphère sud est limitée aux premiers degrés sous l'équateur. C'est typiquement le profil de site où la planification est importante, de façon à observer les objets quand ils sont hauts vers le SE, juste avant leur passage du méridien, pour les avoir dans la fenêtre la plus sombre, qui est réduite mais assez qualitative en valeur absolue.

Le site de Grézac (17), au départ de Royan, latitude 45°36'53'' Nord, longitude 00°51'48'' Ouest. Bortle classe 4. 500 ADU.
C'est un bon site de campagne, avec un côté ouest dominé par la pollution de Royan, qui monte un peu moins haut que le halo de Reims à Hauviné, et d'assez bonne qualité vers le SE. Le sud est marqué par la pollution lumineuse de Bordeaux à 85 km, mais le halo ne monte pas extrêmement haut du fait de la distance. La pollution lumineuse est distribuée de façon un peu plus homogène qu'à Hauviné, mais de forts contrastes demeurent entre l'est et l'ouest.

La montagne de Lure (04), voyage de 2019, latitude 44°07'18'' Nord, longitude 5°47'12'' Est. Bortle classe 2. ADU inconnu (trop de vent et de nuages pour faire une seule soirée photo).
Site de montagne à 1715 mètres d'altitude, inaccessible en hiver, bien protégé des lumières de la côte par l'effet barrière du relief, notamment le massif du Lubéron. Le site a une forme de fer à cheval ouvert en direction du sud, idéal pour protéger des vents violents qui arrivent du nord quand le ciel est dégagé. Le mistral est la principale limite de la montagne de Lure. C'est dans ce site que j'ai pu faire de remarquables observations avec des dobsons de 635 et 740mm en 2019. La latitude et l'altitude permettent de commencer à aborder des objets du Sagittaire comme M20, M8, M17, M22.

Le site de Tomina (Portugal), au départ de Moura, voyage 2022, latitude 38°05'59'' Nord, longitude 7°02'28'' Ouest. Bortle classe 2. 350 ADU.
Dans ce type de site, il est vite évident que la pollution lumineuse naturelle (airglow, poussière zodiacale, Voie Lactée si on ose l'appeler pollution) l'emporte largement sur les quelques traces de lumière artificielle restantes. Le site étant légèrement en creux, les premiers degrés au-dessus de l'horizon sont masqués, de sorte qu'il paraît bien sombre sur toute sa circonférence. Les rares traces de pollution lumineuse sur l'horizon sont suffisamment basses pour ne pas gêner à une hauteur raisonnablement pointable, de sorte qu'il n'y a aucune mauvaise direction autour de l'observateur. La pollution lumineuse artificielle n'augmente que de quelques pourcents le fond de ciel lié à la pollution lumineuse naturelle, rendant l'effet de la pollution artificielle sur les observations visuelles quasiment imperceptible à l'homme. A l'oeil nu, la Voie Lactée est visible d'un horizon à l'autre dans sa partie hivernale (la moins lumineuse), et la galaxie d'Andromède reste visible à l'oeil nu jusque très bas sur l'horizon (environ 10 à 12°). C'est en revanche un site assez médiocre pour ce qui est de la turbulence.

Le site de la Monte do Carneiro (Portugal), au départ de Moura, voyage 2022, latitude 38°20'50'' Nord, longitude 7°24'26'' Ouest. Bortle classe 3. 380 ADU environ.
Le point fort de ce site, situé sur une presqu'île donc bien entouré d'eau, est la turbulence extrêmement faible qu'engendre la présence du lac, ainsi que l'effet du microclimat, notamment en hiver, qui troue fréquemment la couverture nuageuse dans cette zone, et fait mentir les prévisions météo. C'est donc un site de classe européenne pour les activités astronomiques à haute résolution, comme l'observation planétaire ou la photo du ciel profond à très haut niveau. Côté pollution lumineuse, c'est un peu moins parfait, mais ça reste très acceptable. L'ouest est la direction la plus polluée, ce qui gênerait l'observation d'un objet bas avant son coucher, mais cette pollution ne monte pas très haut non plus, donc le fond de ciel resterait acceptable dès lors qu'on pointerait à une hauteur plus confortable, même dans cette direction. L'est pourrait être plus favorable mais le petit village de Luz est à seulement 2,6 km, ce qui crée un halo également gênant si on pointe bas à l'est, mais qui ne fait plus grand chose dès qu'on vise un peu plus haut. La direction du sud est bonne, malgré la ville de Moura à 23 km, apparemment assez loin pour ne plus gêner.

Le gîte d'étape de Tamlakout (Maroc), voyage 2022, latitude 30°45'26,4'' Nord, longitude 7°22'20,6'' Ouest. Bortle classe 1. 330 ADU environ.
Une fois l'éclairage du village éteint, en même temps que tous les autres villages de la commune de Siroua, la pollution lumineuse devient un concept très subjectif. La ligne d'horizon tout autour n'étant plate nulle part, l'humain est bien à la peine pour repérer dans quelles directions il pourrait y avoir une légère trace de pollution lumineuse artificielle sur l'horizon. Il a parfois l'impression d'en identifier dans des directions où on sait qu'il n'y a rien. Une légère trace est visible dans la direction de Tazenakht, mais il faut vraiment le savoir, et c'est bien trop peu et trop bas pour impacter en quoi que ce soit les observations astronomiques, même dans cette direction.

Ma présentation du gîte de Tamlakout

En guise de synthèse de cette expérience, on peut dire que le site à rechercher serait au moins de classe 3 sur l'échelle de Bortle, avec des sources de pollution lumineuses qui ne viendraient pas de la direction du sud. Les couleurs sont données pour l'échelle de la carte photo.
En classe 5 (orange à jaune), on observe les objets compacts que l'on montre au grand public, et les nébuleuses avec un filtre, mais l'observation des objets diffus non-filtrables comme les galaxies est grandement affectée par la lumière artificielle.
En classe 4 (jaune à vert), la zone la plus noire du ciel est de taille assez limitée autour du zénith, et l'augmentation du fond de ciel, pas trop gênante en photo, est encore significativement perceptible en visuel même dans cette zone, qui commence toutefois à présenter une qualité intéressante.
En classe 3 (bleu cyan), la pollution lumineuse reste beaucoup plus basse, et affecte peu les observations au-dessus de 40° de hauteur. L'important est que le sud soit bien épargné, dans les autres directions la contrainte sera simplement d'observer les objets au moment où ils passent au méridien, donc plus haut que dans les zones affectées par la pollution lumineuse.
En classe 2 (bleu foncé), le zénith n'est que légèrement plus sombre qu'en classe 3. C'est surtout l'homogénéité de la voute céleste qui frappe, puisque la pollution lumineuse artificielle n'est plus visible qu'à des hauteurs sur l'horizon auxquelles on n'observe pas.
La classe 1 (noir) est essentiellement psychologique. Il n'y a pas de différence pratique avec la classe 2, dans la mesure où en classe 2, la pollution lumineuse naturelle était déjà ultra-majoritaire par rapport à la pollution lumineuse artificielle. La disparition des dernières traces de pollution articifielle n'est humainement perceptible qu'en regardant attentivement sur l'horizon. D'ailleurs même les meilleurs sites au monde ne remplissent généralement qu'une partie des critères de la classe 1.

6) Le dessin à l'oculaire

Certains observateurs du ciel profond, plus doués que moi sans doute, pratiquent le dessin à l'oculaire. Rechercher des dessins à l'oculaire d'objets peut aider à se faire une idée de ce qui est perceptible (par un observateur très entrainé) en observation visuelle sur un objet.

VII) La photographie planétaire

1) Etat d'esprit

La photographie planétaire est très dépendante d'un phénomène naturel hautement variable, essentiellement incontrôlable, et difficilement prévisible : la turbulence. Bien sûr, c'est aussi une école du perfectionnisme, puisqu'il faudra sans cesse ajuster et vérifier les réglages les plus fins. Mais ce sera vain si la stabilité de l'atmosphère n'est pas au rendez-vous. Le photographe planétaire est donc comme le pêcheur à la ligne, souvent de sortie, parfois bredouille, en quête de l'instant magique de la prise de l'année.

Le fait que la ville soit un site d'observation valable en planétaire peut rendre l'organisation des observations moins contraignante qu'en ciel profond, où il faut fuir la pollution lumineuse. Et les séances photos peuvent aussi être plus rapides en planétaire qu'en ciel profond, où il faut multiplier les heures d'exposition. Mais la question de la lourdeur organisationnelle des sorties est à poser. L'amateur dont les sorties sont rares et contraignantes à mettre en place se contentera-t-il d'un résultat incertain, voire souvent décevant, sans tomber dans la frustration ?

2) Télescope et monture

Les instruments les plus adaptés ici sont ceux qui disposent d'un rapport focale / diamètre élevé et d'une bonne qualité optique. La marque CFF propose des télescopes Cassegrain spécialement conçus pour le planétaire avec des rapports d'ouverture f/d jusqu'à 20. Les télescopes Maksutov-Cassegrain, avec des rapports d'ouverture généralement de 13 à 15, sont également particulièrement adaptés. Les télescopes Schmidt-Cassegrain, généralement ouverts à 10, sont plus polyvalents, mais orientés davantage vers le planétaire quand même.

Les grossissements à atteindre étant très élevés, il était presque toujours nécessaire d'utiliser une lentille de barlow. Mais les nouvelles caméras CMOS ont des pixels de plus en plus petits, ce qui permet désormais d'envisager des configurations sans barlow en imagerie planétaire.

L'échantillonnage (grossissement photo) dépend de la focale et de la taille des pixels. Le champ couvert par un pixel correspond à la taille apparente de ce pixel vu à une distance égale à la focale. Par approximation des petits angles, l'échantillonnage est donc proportionnel à la taille des pixels et inversement proportionnel à la focale. Réciproquement, l'image est donc d'autant plus grande que la focale est longue et les pixels petits.

A titre d'exemple, voici une photo du cratère Walther sur la Lune avec un échantillonnage de 0,1 seconde par pixel, soit l'échantillonnage obtenu avec des pixels de 3,75 microns à une focale comprise entre 7,7 et 7,8 mètres : Walther Meade 355/3550 LX200. C'est une valeur d'échantillonnage déjà extrême, à laquelle il est difficile de travailler dans des conditions moyennes de turbulence.

Echantillonnage (en secondes) = ARCTAN ( taille pixel en mm / focale en mm ) x 3600

Le système de monture le plus adapté est la monture équatoriale, motorisée au minimum en AD. Il est toutefois possible de pratiquer la photo planétaire avec d'autres dispositifs (monture alt-azimutale informatisée, monture équatoriale sans moteur, voire dobson) mais c'est la monture qui limitera la qualité des travaux, ce qui n'est pas acceptable dans un projet où la photo planétaire serait prioritaire.

Les caméras utilisées en planétaire sont des caméras vidéo. En imagerie planétaire, chaque photo est construite par le traitement d'un film brut contenant plusieurs milliers d'images brutes.

3) Capteur numérique

Pour la Lune, une caméra monochrome est préférable. On monte souvent dessus un filtre rouge, car c'est la couleur dans laquelle la turbulence et les défauts optiques affectent le moins l'image. Ce raisonnement ne tient que si ces derniers sont davantage le facteur limitant que la résolution théorique basée sur le diamètre de l'instrument, mais c'est quasiment toujours le cas.

Pour les planètes, une caméra couleur est plus pratique. Bien sûr certains utilisateurs experts préfèrent une caméra monochrome, un jeu de filtres RVB, et appliquent une dérotation pour pouvoir aligner entre elles les différentes couches couleur malgré la rotation de la planète. Mais ce procédé est complexe, et la qualité des caméras couleur d'aujourd'hui permet de faire des images en couleur détaillées sans passer par de telles complications.

La caméra planétaire la plus populaire est la ZWO ASI 224 MC, qui devrait être au moins égalée par la 662 MC et la 678 MC qui sortent à l'été 2022. Il est nécessaire de les compléter avec un filre IR-cut pour bloquer les infrarouges.

4) Le correcteur de dispersion atmosphérique

La lumière subit une diffraction en entrant dans la haute atmosphère, qui est d'autant plus grande que l'objet observé est bas sur l'horizon. Le traitement informatique permet de réaligner entre elles les couches rouge, vert, bleu. Mais il ne peut compenser le glissement à l'intérieur de chaque couche. La couche bleue est plus particulièrement marquée par ce phénomène puisque c'est la longueur d'onde la plus courte.

Il existe des correcteurs de disperson atmosphérique, constitués d'un jeu de prismes rotatifs, qui permet de rectifier ce phénomène. Mais ils ont plusieurs limites. La première est la très grande difficulté à effectuer un tel réglage, qui de plus change continuellement puisqu'il dépend de la hauteur de la planète qui varie tout le temps. La seconde est que la correction fausse la collimation du télescope, et ce problème ne pourrait être corrigé qu'en intervenant continuellement soit sur la collimation elle-même, soit sur un correcteur de tilt. Dans les deux cas, on rentre dans quelque chose de délirant. Quand la planète n'est pas trop basse, on peut donc utiliser un CDA pour appliquer une petite correction, son action sur la collimation étant peu impactante. Mais quand les planètes sont vraiment basses, comme c'était le cas de Mars en 2018, ou Jupiter et Saturne ces dernières années à la latitude de la France, la photographie planétaire reste délicate même avec un CDA.
A plus forte raison, rien ne protège de la hausse de turbulence qui accompagne une plus grande longueur d'atmosphère à traverser. A 50° de hauteur, l'épaisseur de l'atmosphère n'augmente que de 30,5% par rapport au zénith. Mais à 30° de hauteur elle est doublée, et presque triplée au seuil critique des 20° de hauteur.

Heureusement à partir de l'automne 2022, les planètes vont commencer revenir à des hauteurs plus confortables pour les habitants de l'hémisphère nord, et la ruée de 2018 sur les CDA ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir.

VIII) La photographie du ciel profond

Ce domaine est trop complexe pour en présenter ici un mode d'emploi. Je me contenterais donc de résumer les principes généraux.

1) Un regard à long terme

Jusque dans les années 1990, la photographie du ciel profond se faisait sur pellicule argentique. Cette technologie, par ailleurs la norme de l'époque en matière de photo en général, était particulièrement inadaptée à la photo du ciel profond, en raison des lois un peu complexes de la chimie (notion d'énergie d'activation, mais je vais pas faire un cours sur la cinétique chimique ici). L'arrivée des caméras CCD au début des années 2000 a permis de s'affranchir des limites fondamentales de la photochimie, permettant une progression très spectaculaire pendant une quinzaine d'années, au fil des progrès technologiques des capteurs CCD.

Les pixels des caméras CCD étant beaucoup plus fins que le grain des anciennes pellicules argentiques, cette progression dans la captation de la lumière a entrainé une très forte augmentation des exigences des utilisateurs sur la mécanique. Les fabricants de montures ont donc dû réhausser très fortement la qualité mécanique de leurs produits pour répondre aux nouvelles attentes de leurs clients. Les rares montures d'autrefois qui ne sont pas considérées comme totalement dépassées aujourd'hui étaient donc en leur temps des produits extrêmement élitistes.

Mais la technologie CCD, plus chère et plus qualitative, était en concurrence avec la technologie CMOS, moins qualitative, mais aussi moins chère à fabriquer. Pendant longtemps les deux technologies ont progressé en parallèle, puis les fabricants ont fermé leurs services de recherche et développement travaillant sur la technologie CCD, tout en continuant leurs recherches sur la technologie CMOS. Dans un premier temps, cet arrêt des recherches sur les capteurs CCD marqua un coup d'arrêt aux progrès de la photo du ciel profond, car la technologie CMOS est moins adaptée à cette application que la technologie CCD. Mais le temps passant, les capteurs CMOS ont rattrapé leur retard sur les capteurs CCD, puis les ont dépassés. Les derniers capteurs CMOS monochromes ont des caractéristiques techniques supérieurs au capteur CCD Sony ICX 694 qui restera comme le capteur grand public le plus qualitatif de l'histoire de cette technologie.

Supérieurs, mais aussi différents, les capteurs CMOS ont modifié la façon d'appréhender la pratique en photo du ciel profond. Il y a quelques années, c'était le domaine des poses longues (3 à 10 minutes). D'ailleurs ceux qui devaient limiter leurs temps de pose à 20 ou 30 secondes, par exemple faute d'autoguidage, obtenaient des résultats très limités. Faire sur une heure 3600 poses de 1 seconde plutôt que 10 poses de 6 minutes sur une galaxie aurait été inimaginable. Pourtant, c'est ce qui est devenu profitable avec les nouvelles caméras CMOS. La technique des poses courtes est plus simple à mettre en oeuvre (bonne mise en station mais pas d'autoguidage) et donne des images plus détaillées : une pose courte est moins affectée par la turbulence et les erreurs de suivi mécanique, et le grand nombre d'images permet une sélection automatique des meilleures, comme en planétaire. Toutes choses égales par ailleurs, la profondeur du signal est encore un peu moins bonne qu'en poses longues. Mais l'écart se réduit avec le temps. Et les meilleures caméras CMOS, monochromes et refroidies comme les CCD, sont désormais parfaitement polyvalentes poses longues / poses courtes. La photo des nébuleuses en bande étroite, avec ses poses de 15 à 30 minutes, était le dernier bastion des caméras CCD. Mais même cela aujourd'hui devient parfaitement accessible aux caméras CMOS récentes, même si ça reste en poses longues.

2) La caméra d'imagerie

Il existe des caméras (CCD ou CMOS) spécifiques à l'astronomie, et les boîtiers réflex numériques (APN) des photographes aguerris. Ma préférence se portera sans hésiter sur le matériel dédié à l'astronomie, avec capteur monochrome et système de refroidissement (avec consigne de température). Un réflex numérique généraliste aura un capteur couleur, donc moins sensible, moins adapté, et moins polyvalent (pas de bande étroite sur les nébuleuses). Il ne sera pas refroidi non plus, donc plus bruité et de façon non-constante, puisque sa température de fonctionnement varie. Les boîtiers numériques sont généralement équipés de filtres pour bloquer les infrarouges grand public, qui coupent trop tôt dans le rouge et bloquent ainsi une grande partie de la lumière des nébuleuses. Et la version avec un filtre adapté aux nébuleuses, quand elle existe, est souvent beaucoup plus chère que le modèle grand public. Seule une caméra monochrome thermorégulée permet de couvrir tous les types d'objets du ciel profond, notamment les objets très difficiles, et bien sûr la photographie des nébuleuses à émission avec des filtres en bande étroite. Le seul véritable intérêt des APN était de proposer un nombre de pixels beaucoup plus grand qu'une caméra d'astronomie, sans atteindre des prix délirants. Mais ces dernières ont largement rattrapé leur retard dans ce domaine.

Les principales caractéristiques des caméra CCD ou CMOS sont :
- La taille du capteur, qui détermine avec la focale le champ photographique. Un grand champ est utile car certains objets sont très étendus. Un capteur de 1cm de côté et une focale de 1 mètre donneraient un champ de ARCTAN ( 10 / 1000 ) x 60 = 34,4 minutes d'angle, soit juste de quoi faire rentrer la pleine Lune avec très peu de marges autour.
- La taille des pixels, qui détermine (avec la focale) l'échantillonnage, c'est à dire le grossissement photographique. Un échantillonnage fin (grossissement élevé) est utile pour obtenir des détails sur les galaxies, mais comme d'habitude le signal se dilue avec le carré du grossissement. Une combinaison avec une taille de pixels en microns égale au rapport d'ouverture du télescope pourrait être qualifiée d'équilibrée. De plus gros pixels donnent une configuration plus rapide, de plus petits pixels donnent une configuration plus résolvante. L'amélioration des caméras peut encourager à choisir des pixels plus petits qu'avant.
- Le rendement quantique, qui mesure l'efficacité de la détection des photons. Ce rendement doit être le plus élevé possible. Il faut aussi regarder la courbe du rendement en fonction de la longueur d'onde. Un pic de rendement dans le bleu (cas des derniers modèles à priori très alléchants) peut donner une perte de qualité sur les galaxies (bleu plus sensible à la turbulence) et une perte de signal dans le rouge préjudiciable sur les nébuleuses (voir notamment le rendement à 656 nm). Certaines caméras sont en revanche trop faiblardes dans le bleu. Un pic de rendement dans le jaune peut favoriser la captation de la pollution lumineuse des lampes à vapeur de sodium, même si elles sont progressivement remplacées par des LED. Il est donc préférable d'avoir un pic de rendement dans le vert, centre de la vision nocturne humaine, avec un rendement encore bon à 656 nm dans le rouge, et pas trop faible dans le bleu quand même.
- Le bruit, en électrons, qui doit être le plus bas possible. Le bruit affecte chaque pose, de façon égale, indépendamment de tout.
- Le courant d'obscurité, en électrons par seconde, qui doit être le plus bas possible. Il affecte chaque pose de façon proportionnelle au temps de pose, et exponentielle à la température. La valeur donnée pour le courant d'obscurité doit donc se lire relativement à la température de la mesure, extrêmement impactante.
- La capacité, en électrons (par pixel), qui doit être la plus élevée possible. Une bonne capacité permet d'intégrer de la dynamique, c'est à dire pouvoir sur un même enregistrement mesurer des fortes luminosités sans saturation, et des faibles luminosités avec une précision acceptable.

3) Le site d'observation

Les traitements informatiques augmentent la tolérance à la pollution lumineuse, mais idéalement il vaut mieux se rendre dans un site le moins pollué possible. Il est notable que la technique des poses courtes est moins sensible à la pollution lumineuse que la technique habituelle des poses longues. L'astrophotographe dont le site est fortement pollué s'orientera donc de préférence vers la technique des poses courtes.
Le vent est un fléau car il fait vibrer l'instrument, et il est confortable de s'en protéger.

4) Les traitements informatiques

Ils jouent ici un rôle majeur et sont assez complexes. A ce stade, il faut se faire conseiller par des spécialistes. On peut voir leurs travaux et leurs astuces dans la rubrique Galerie d'images du forum Astrosurf.
Il est vivement conseillé de se familiariser avec le logiciel gratuit IRIS, même si l'interface peut sembler difficile au premier abord. Cet ancien logiciel peut sembler aujourd'hui sorti du fond des âges. Il en existe d'autres, plus récents, bien plus automatisés. Mais justement... C'est en faisant chaque étape de la calibration et des traitements à la main qu'on peut apprendre à en saisir toutes les subtilités.

5) Les collaborations scientifiques entre amateurs et professionnels

Les partenariats entre observateurs amateurs et chercheurs professionnels se développent au fil du temps, favorisés par la hausse de niveau des amateurs et de leurs équipements. Ces collaborations sont souvent la dernière étape du parcours de l'astrophotographe. La compétence technique des amateurs ne pose donc pas réellement de problèmes dans la mesure où les astrophotographes sont les meilleurs techniciens et où on ne les retrouve dans ce type de projets qu'après de longues années de pratique.

IX) Autres pratiques

1) La photographie en parallèle

Cette technique consiste à fixer un appareil photographique classique sur le tube (ou sur la tige du contre-poids) d'un instrument équipé d'une monture équatoriale. L'instrument astronomique n'assure que le suivi (compensation de la rotation de la Terre). Le grossissement de l'appareil photo, même avec un zoom, reste extrêmement faible. Il est donc facile d'assurer un suivi de qualité suffisante, même sans moteur, en maintenant manuellement une étoile guide au centre de l'oculaire (avec un grossissement très élevé). Cette technique permet de faire de très belles photos des objets du ciel profond les plus étendus avec un budget beaucoup plus modeste que la photographie du ciel profond à travers l'optique principale. Cependant, la pollution lumineuse est ici très gênante, de même que le bruit du capteur numérique des boîtiers photo non dédidés à l'astronomie.
Une petite lunette apochromatique d'astronomie revient souvent moins cher qu'un zoom photo suffisamment haut de gamme. On voit donc se développer avec ces lunettes des pratiques intermédiaires entre le parallèle et la photo du ciel profond classique, avec des focales intermédaires (360 à 480mm).

2) L'observation solaire

Avertissement : Mal pratiquée, l'observation solaire peut entrainer la perte définitive d'un oeil ou des deux. Le bricolage par des débutants et les approximations pifométriques sont dont totalement exclues ici. Les petits filtres SUN en 24,5mm autrefois livrés avec les instruments d'initiation sont également à bannir, car ils présentent également un risque élevé pour vos yeux (explosion du filtre en cours d'observation). Si vous utilisez un instrument d'initiation équipé d'un filtre adapté, ne montez pas, ou démontez, le chercheur. Si vous êtes débutant, n'hésitez pas à vous faire encadrer par des observateurs aguerris pour débuter.

Il faut distinguer ici deux types de matériel dont les possibilités (et les prix malheureusement !) sont sans commune mesure.
Il existe des filtres solaires qui réduisent plus ou moins uniformément la lumière du Soleil, de façon à protéger l'oeil de l'observateur ou le matériel photographique, voire l'instrument lui-même. Ils donnent généralement une image orangée du Soleil, et permettent d'observer les taches solaires. Il s'agit souvent de filtres en verre optique métallisé que l'on place à l'avant de l'instrument.
D'autre part, il existe des filtres solaires dits H-alpha, qui ne se contentent pas seulement de ne laisser passer que la quantité de lumière appropriée. La lumière qui passe est sélectionnée dans une longue d'onde très précise, dans laquelle l'image du Soleil est beaucoup plus spectaculaire. On peut ainsi voir des détails à la surface du Soleil, mais surtout les protubérances ! Ce type de filtrage est aujourd'hui commercialisé généralement sous forme de lunette exclusivement dédiée à l'observation solaire. Cette technologie est beaucoup plus coûteuse.

X) Les adresses à connaître

1) Les commerçants

En évitant tout favoritisme, nous pouvons conseiller de privilégier les magasins spécialisés français par rapport au petit opticien du coin, souvent plus cher et peu compétent en astronomie, et au discounter internet basé à l'étranger, sur qui vous ne pourrez pas compter quand vous aurez besoin d'un service et conseil expert.

Dans cette optique, nous pouvons citer notamment Pierro-Astro à Béziers pour son expertise en matière de montures, et Optique Unterlinden à Colmar pour son expertise en matière d'ensemble photographique.

2) Les communautés sur le web

Le forum Futura Sciences : http://forums.futura-sciences.com/materiel-astronomique-photos-damateurs/
C'est un forum très chaleureux, où les débutants obtiennent en quelques heures des réponses précises à toutes leurs questions.

Le forum Astrosurf : http://www.astrosurf.com
C'est le forum des astrophotographes les plus pointus, où vous pourrez trouver des réponses aux questions les plus techniques. Il faut déjà s'y connaître un peu pour suivre les discussions, et pas mal d'années de pratique avant d'espérer égaler les photos qu'on y trouve.

Le forum Webastro : http://www.webastro.net/forum/
Une autre communauté conséquente du web.

Le forum Astro Québec : http://www.astro-quebec.com/
Pour nos amis de la Belle Province.

Les petites annonces Astrosurf : http://astrosurf.com/annonces
C'est la référence en matière d'achat-vente de matériel astronomique d'occasion.